Go West (31)

(…) En tendant le bout de carton à l’officier, je réalise combien le résultat de mon travail de faussaire est lamentable. Ça ne passera jamais, il va me demander mon passeport.  Mais Charles Kane fait semblant de comparer la photo avec le modèle et me la rend avec un très professionnel « Thank you, Sir, and have a nice stay at the Golden Nugget ».  Je n’en suis pas sûr, mais je crois distinguer derrière ses Ray-Ban une lueur d’amusement. Il se recule de deux pas et continue à m’observer. Si je m’arrête de jouer maintenant, il va penser qu’il m’a fait peur, que je ne suis pas en règle ou quelque chose comme ça. Alors, l’air nonchalant, je confie un autre Silver dollar au bandit manchot et abaisse son bras. Perdu ! Je hausse les épaules avec affectation, et je m’éloigne, mon scotch and soda à la main. Même pas mal !

Nous avons quitté Las Vegas et le Golden Nugget vers deux heures du matin après une demie nuit de jeu effréné : J’avais gagné neuf dollars d’argent à ma première tentative sur une machine à sous. Comme j’en avais perdu un à la seconde, j’avais jugé qu’il était temps de m’arrêter. Après tout, j’étais gagnant de huit dollars. Ensuite, pour ne pas tomber dans l’enfer du jeu, j’étais resté à danser d’un pied sur l’autre devant une table de black jack ou de roulette sans oser risquer la moindre de mes précieuses pièces. Les autres avaient Continuer la lecture de Go West (31)

Lettre de César à Octave

Tout le monde bien sûr (?) connait  le magnifique texte de Plutarque racontant la mort de César, assassiné dans le Théâtre de Pompée par une bande de sénateurs le 15 mars de l’année 44 avant J.C. Mais plus surprenante est la lettre qui a été retrouvée dans un coffret miraculeusement intact lors du percement d’une nouvelle galerie de métro sous la colline du Mont Palatin. C’est la lettre qu’écrivait César à son fils adoptif, Octave, celui qui deviendra bientôt Auguste, le vrai fondateur de l’Empire Romain.

Ave, Octave.
A toi, mon fils, salut.

Celle-ci est la dernière lettre que tu recevras de moi car je ne t’écrirai plus.

A lire cette annonce abrupte, tu dois te demander pourquoi, au bout de quatre années, j’ai décidé de mettre un terme à cette habitude que j’avais prise de t’écrire afin de t’apprendre ce que moi-même j’ai appris au cours de ma vie. Rassure-toi, tu ne m’as ni offensé ni déçu, et je suis satisfait de voir que tu deviens celui que j’espérais. Mais je ne t’écrirai plus.

Cette décision de t’écrire régulièrement, je l’avais prise tout d’abord par devoir, celui que je m’étais imposé de former un adolescent en qui j’avais vu une intelligence, une perspicacité, une capacité de froide analyse et de brillante synthèse au service d’une grande ambition non encore révélée, qui, avec l’aide de mon enseignement, lui permettraient d’atteindre et d’assumer les plus hautes charges de l’Etat.

Ce devoir est vite devenu Continuer la lecture de Lettre de César à Octave

Franz Bauer, Bertram Fitzwarren et moi

Le diner s’était prolongé fort tard dans la nuit. D’abondantes volutes de fumées bleues et grises flottaient sous les poutres du plafond de l’auberge en enveloppant la roue de charrette qui, avec ses pauvres ampoules électriques, faisait office de lustre au-dessus de nos têtes. Depuis quelques instants, sans doute sous l’effet des mets et des vins que nous avions absorbés en quantité, nous étions tombés dans un silence méditatif qui contrastait avec la gaité et la vivacité des conversations que nous avions échangées jusque-là.
Franz Bauer, Bertram Fitzwarren et moi nous étions rencontrés pour la première fois quelques heures auparavant dans les bureaux de la Compagnie Maritime des Indes Orientales dont le Princesse des Mers devait appareiller dans la nuit pour Sidney via Singapour et Macassar.
Pour des raisons et des destinations différentes, chacun d’entre nous avait retenu une cabine sur le Princesse des Mers et nous avions lié connaissance en accomplissant les formalités d’embarquement. Compte tenu de la Continuer la lecture de Franz Bauer, Bertram Fitzwarren et moi

Nighthawks revisité

Rediffusion
Nighthawks est probablement le tableau de plus célèbre d’Edward Hopper (1882-1967). Les commentateurs s’accordent en général pour dire que ce tableau, peint en 1942, est une représentation de la solitude et de l’aliénation de l’individu dans la société américaine.
Pourtant cette interprétation est loin de faire l’unanimité chez les spécialistes et plus particulièrement chez les gardiens de musée, surtout depuis qu’un jeune chercheur de l’Université d’Hawal-Bumpil-On-The-Gange a retrouvé dans l’un des containers qui renferment les documents en instance de classement du Whitney Museum de New York une série de croquis qui mettent en évidence les hésitations du maître quant à la signification de son œuvre majeure. Voici le premier d’entre eux qui exprime le désarroi pathétique de la femme devant l’absurdité du temps qui passe en même temps que l’assurance insolente de l’homme devant l’absurdité de la femme.

Nota bene : Avant d’envoyer des insultes à la Rédaction, rappelez vous que c’est Hopper qui pense et que nous sommes en 1942

 

Go West ! (30)

Quand la remorque a commencé à chasser, le chauffeur a lui aussi choisi de passer en force. Il s’est porté sur le milieu de la chaussée en accélérant. La remorque s’est redressée. Ses pneumatiques ont franchi l’obstacle en bondissant par-dessus. Un habile coup de volant lui a permis d’éviter la voiture montante. Cent mètres plus bas, dans un grand chuintement pneumatique, le camion s’est arrêté au même endroit que le précédent. Le chauffeur a sauté sur l’asphalte. Il a considéré la scène un bref instant et il nous a montré le poing en criant une insulte inaudible. Et puis il est remonté dans sa cabine pour continuer sa route et disparaitre dans un long coup d’avertisseur furieux.
Il ne nous restait plus qu’à dégager le pin fautif.

En 1962, Las Vegas est encore une bien petite ville au milieu du désert. Bien sûr, le Rat Pack s’y produit régulièrement, le jeu y bat son plein et la Mafia y blanchit allègrement son argent. Mais le Caesar Palace n’est encore qu’un chantier et le Flamingo et le Sands, pratiquement les seuls grands hôtels de la ville, ne sont que des masures à côté de ce que seront dans quelques décennies ces immenses hôtels-casinos à thème comme le Bellagio, le MGM, le Paris, le Venetian…
Oui, en 1962, Las Vegas est encore une petite ville, mais nous ne le savons pas encore et nous y arrivons pleins d’espoir.

Nous roulons depuis quelques centaines de mètres dans un tunnel de lumière Continuer la lecture de Go West ! (30)

Piéton, où est ta victoire ?

 Alors, voilà.
C’est en 2016 que j’avais écrit cet essai en deux parties et un addendum que je rediffuse aujourd’hui, 8 années plus tard. Si vous avez le courage de lire ou relire cet interminable article, vous pourrez vous rendre compte que je ne dis pas que des bêtises. (Je suis quand mes diplômé du CERC ( Centre d’étude et de recherche sur la circulation routière), promotion 1969 et fus un temps spécialiste des plans de circulation ; mais c’était un temps où l’on cherchait à améliorer la circulation, pas à la ralentir !)
Considérez par exemple un instant le désert que sont devenues la rue de Rivoli et, à certaines heures, le Boulevard Saint Germain, au point qu’on peut se demander parfois si nous ne sommes pas sous couvre-feu ; considérez aussi le nombre de magasins qui ont fermé pendant la crise du Covid et n’ont pas rouvert depuis, et demandez-vous si tout cela n’est pas lié au succès de la politique forcenée d’Annie Dingo : parvenir par les embouteillages à dissuader les automobilistes de venir dans Paris, avec la mort de commerces du centre-ville pour conséquence automatique.

Piéton, où est ta victoire ?

 Première partie : La piétonisation

Il n’y a pas si longtemps, je vous avais parlé de mon impression de l’aménagement piétonnier de la partie de la voie sur berge rive gauche qui a été interdite à la circulation. J’avais pris toutes les précautions oratoires pour que mon billet d’humeur ne soit pas considéré comme une critique bornée de la piétonisation des voies de circulation.

Mais ledit billet était paru en pleine polémique sur le projet fermeture définitive des voies sur berge rive droite. Alors, selon la théorie reconnue du Continuer la lecture de Piéton, où est ta victoire ?

J’écris des mots

J’écris des mots ; depuis une douzaine d’années, j’écris des mots, très régulièrement, tout le temps, partout, le matin dans les cafés, l’après-midi dans les jardins, le soir chez moi… J’écris des petites chroniques d’humeur, des critiques de cinéma, de théâtre et de littérature ; j’écris des histoires courtes, quelques pages, des nouvelles, un peu plus longues, et même des romans, trois courts et un de bonne longueur. Tous ces écrits, je les fais paraître dans ce blog, Le Journal des Coutheillas. Depuis quelques semaines, j’ai publié certains d’entre eux sur Amazon, disponibles en format numérique Kindle et en livre broché : Blind dinner en avril 2023, LA MITRO en mai, Histoire de Dashiell Stiller en juin, Bonjour, Philippines ! en novembre, Histoire de Noël en décembre, Les disparus de le rue de Rennes en février  Pour y accéder, taper seulement « Philippe Coutheillas » dans la case « recherche » d’Amazon.fr

Blind dinner
Un « Blind dinner », c’est un dîner un peu particulier dans lequel les invités ne se connaissent pas. Dans les beaux quartiers, c’est très à la mode. Renée, la maitresse de maison, trouve cela très chic et parfois follement drôle.  Mais ce soir là, quand on a commencé à parler d’un mystérieux virus venant de Chine, le diner a vite tourné au vinaigre.
(5€ sur Amazon.fr)

LA MITRO et autres drôles d’histoires
C’est un recueil de nouvelles qui porte le titre de la première d’entre elles. Assez inspirée par Marcel Pagnol, il faut la lire avec l’accent. Les autres nouvelles revisitent aussi bien l’assassinat de Jules César que les jeux télévisés, les petits meurtres sans importance, l’effet papillon ou la manière d’accéder auParadis.
(6€ sur Amazon.fr)

Histoire de Dashiell Stiller
Paris 1935. Dashiell, jeune touriste Américain, prend une photographie de la terrasse d’un café du Boulevard St-Michel, le Cujas. Treize années plus tard, il est de retour à Paris pour rencontrer les huit personnages qui se trouvaient sur la photo. Il les fait parler sur leur vie, sur la façon dont ils ont vécu cette période troublée de la guerre, l’Occupation, la Résistance, la Collaboration, les Camps, la Libération… Mais pourquoi fait-il cela ? Pour écrire un roman ? Pour retrouver quelqu’un ? Pour expier un crime ? Pour retrouver sa propre histoire, l’histoire de Dashiell Stiller ?
(12€ sur Amazon.fr)

Bonjour, Philippines ! et autres rencontres
Petit livre sans importance, recueil de récits de rencontres et d’aventures, graves ou anodines, que j’ai vécues un peu partout à travers le monde, à Manille et à Cagayan de Oro, à Téhéran et à Athènes, à Ouagadougou et Bobo-Diouasso, à Douala et à Bamako, au Brésil et en Ukraine, à Sumatra et dans la Vallée de la Mort. La plupart du temps, leur narration est véridique, mais parfois, j’avoue que je me suis laissé aller à les romancer un peu. Après tout, je ne serai pas le premier.
(8€ sur Amazon.fr)

Histoire de Noël et autres contes cruels
Ce petit bouquin n’est pas destiné à être mis entre toutes les mains.

En effet, et contrairement à ce que pourrait laisser croire une interprétation trop rapide de son titre, il ne s’agit pas du tout, mais alors pas du tout, d’un recueil de belles histoires de Noël, dégoulinantes de bonté, de morale et de confiture.
Connaissez-vous la légende de la Mort à Samarcande ? Non ? C’est un beau et terrible poème persan du XIIème siècle dans lequel un Vizir qui vient de croiser la Mort dans une rue de Bagdad croit lui échapper en s’enfuyant à Samarcande alors que c’est justement là que, sans le savoir, il a rendez-vous ce soir avec elle.
Eh bien, pour la plupart, les nouvelles qui composent Histoire de Noël s’inspirent de cette fatalité ironique : c’est en croyant fuir son destin que l’homme s’y précipite.
(8€ sur Amazon.fr)

Les disparus de la rue de Rennes
C’est la panique à la Mairie de Paris : alors qu’il procédait à une opération de contrôle de routine, Roger Ratinet, agent municipal affecté à la vérification de la conformité des plaques de rue à la parité homme/femme vient de découvrir que toute une section de la rue de Rennes a disparu. Eh oui ! Disparu ! Comme ça, en plein Paris, au cœur de Saint Germain des Prés, sans qu’on sache ni quand, ni pourquoi, ni comment. Trois cents mètres de rue, une quarantaine d’immeubles ! Introuvables ! Ça fait désordre quand même, non ?
Quand on l’en a informée Madame Hidalgo a explosé : « Comment ! Comment ! a explosé la maire en furie. Plus de trois cents mètres de rue disparaissent en plein milieu de l’un des plus beaux quartiers de Paris et personne n’est fichu de me dire où ils sont passés ! »
L’affaire est encore secrète, mais le scandale couve et, bientôt, la presse s’en mêle, et Cottard, le chef de bureau jaloux de Roger Ratinet, aussi et puis Yvonne, l’épouse de Roger Ratinet. Comme d’habitude, le Dir.Cab de la Maire, Hubert Luberlue est dépassé. Anne Hidalgo est solide ; en matière de scandale, elle en a vu d’autres. Mais survivra-t-elle à celui-ci ? Rien n’est moins sûr.
(6€ sur Amazon.fr)

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A paraitre le 20 mars prochain

Les trois premières fois et autres belles histoires
Un soir dans un port, trois hommes attendent le départ de leur bateau. Pour passer le temps, ils racontent chacun une « première fois ». Un autre jour, un autre homme explique comment il faut se tenir dans la rue quand on porte un bouquet de fleurs. Un autre soir, un incident à la frontière syrienne va-t-il transformer en drame un beau week-end de tourisme. En fin d’après-midi, un homme écrit à coté de son chien qui dort. Un beau matin, un groupe d’enfants qui se rend au jardin du Luxembourg passe devant la terrasse d’un café ; des clients attablés les regardent passer ; leurs points de vue diffèrent. La peur de l’avion, ça se soigne.
Quatorze nouvelles, drôles ou émouvantes, quatorze textes ironiques ou sensibles, quatorze façons, réalistes ou poétiques, d’être optimiste.

 

Un certain goût de chiottes…

Ainsi la voilà, cette affiche scandaleuse et officielle des J.O. 2024 telle qu’elle est exposée en grand au Musée d’Orsay !

C’est vrai que la croix qui surplombe la Cathédrale Catholique Saint-Louis-des-Invalides y a été remplacée par une boule (ou une pointe ou un paratonnerre  ?)  qui n’engage à rien. Bon, d’accord, c’est ridicule, c’est mesquin, en un mot c’est woke, c’est « cancel », mais il va falloir s’habituer à ce genre d’ânerie minuscule et aujourd’hui, ce n’est pas le sujet Continuer la lecture de Un certain goût de chiottes…