La Danse du Diable
Philippe Caubère
Depuis trente ans, il fait l’artiste, seul sur scène, avec pour tout costume un pantalon, une chemise ouverte, une paire de mocassins, pas de chaussettes et, comme seuls accessoires, un chapeau, un large manteau et un demi plaid à carreaux.
Il n’y a aucun décor et, à part un tout petit banc dans un coin à droite et une chaise au fond, la scène est entièrement vide.
Souvent pieds nus, debout, ou accroupi, ou même vautré sur la scène, de face, de dos, léger, dansant, chuchotant, bégayant, hurlant, postillonnant, avec ou sans accent, Caubère joue tous les personnages et tous les objets (oui, il joue les objets).
Le spectacle dure un peu plus de 3 heures. Ce n’est ni un one-man-show, ni une série de sketches. C’est une histoire, celle de Ferdinand Faure, fils de bonne famille d’Aix en Provence, muni d’un père jamais là et d’une mère omniprésente, garçon peu enclin aux études, mais désireux de faire du théâtre.
Après une première demi-heure un peu lente, avec l’arrivée du jeune Robert, ami du héros, le spectateur plonge dans l’univers de Ferdinand et des personnages qui l’entourent.
Caubère se transforme instantanément en mère bourgeoise, en bonne espagnole communiste, en père absent, en adolescent introverti, en fille ingrate, en gamin marseillais, en une foule de fans de Johnny Halliday, en Johnny Halliday (il dit Holliday), en professeur de théâtre aixoise sinusitique, en acteur avignonesque, en machiniste éclairagiste, en De Gaulle impérial, en Mauriac sarcastique, en Malraux agité, en Sartre globuleux…
En un déclic, par un simple changement d’attitude et quelques bruits de bouche, il fait voir et entendre une Motoguzzi vrombissant sur la corniche, une foule en délire au Parc Borely ou un bimoteur décollant dans la neige. (Ces moments sont du pur délire, sans compter le retour du Prince Fedor Iliouchine à son château après vingt ans de bagne joué par un machino aux accents faubouriens.)
On est attendri parfois, on rit beaucoup, le public est heureux.
Philippe Caubère est à l’Athénée-Louis-Jouvet jusqu’au 7 décembre. Il part ensuite en tournée en province avec la Danse du Diable jusqu’au mois de mars 2015.