Archives mensuelles : janvier 2016

Discours de la servitude volontaire

Je ne voudrais que tacher de comprendre comment il peut arriver que tant d’hommes, tant de bourgs, tant de villes, tant de nations endurent quelquefois un tyran seul qui n’a de puissance que celle qu’ils lui donnent, qui n’a de pouvoir de leur nuire que tant qu’ils en manifestent la volonté, qui ne saurait leur faire du mal que lorsqu’ils aiment mieux l’endurer que s’opposer à lui.
Étienne de La Boétie – Discours de la servitude volontaire

Seul sur Mars (Critique aisée n°67)

Seul sur Mars (The Martian)
Ridley Scott-2015
Matt Damon

Eh bien, moi, j’ai trouvé ça pas mal du tout.

On m’avait dit, tu verras, c’est long, il ne se passe presque rien, on s’ennuie. Pour ce qui est de la longueur insupportable, j’avais déjà donné avec Les huit salopards , dont j’ai dit tout le bien qu’ils méritent. (Je profite de cette occasion pour souligner que les quatre critiques du Masque et la Plume se sont montrés tous d’accord avec moi. Danièle Heymann a même dit de la musique de Morricone qu’elle en avait jusque-là). Pour ce qui est de la longueur honorable, j’avais aussi donné avec The Revenant, dont vous ne lirez ma critique que prochainement, le film n’étant pas encore sorti. Enfin, avec Le pont des espions, tout en admirant la technique du réalisateur, je m’étais légèrement ennuyé.

Eh bien, dans ce film dans lequel un type seul sur la planète Mars passe presque deux ans à faire pousser des pommes de terre, je ne me suis pas Continuer la lecture de Seul sur Mars (Critique aisée n°67)

Ligne 82

AUGUSTE COMTE

Elle monte dans l’autobus. Elle porte un strict tailleur bleu marine. Un foulard Hermès et de grosses lunettes de soleil dissimulent presque entièrement son visage. Elle se dirige vivement vers le fond du bus qui démarre. Elle s’assied, raide, et tourne la tête pour fixer sans les voir les grilles du Luxembourg qui défilent.

GUYNEMER-VAVIN

Un téléphone sonne. Chacun fouille son sac ou tapote ses poches avec précipitation, mais c’est elle qui touche son écran et répond:

Elle : -Oui ?
Lui : -C’est moi. Ça va ? Tu peux parler ?
Elle : -Non, pas vraiment, je suis dans le bus.
Lui : -Où vas-tu ?
Elle : -Je ne sais pas ; faire des courses. Qu’est-ce que tu veux ?
Lui : -Parler un peu.
Elle : -Pour quoi faire ? On l’a déjà fait.
Lui : -Il faudrait qu’on en reparle…
Elle : -Pourquoi ?
Lui : -Hé bien, parce que, ce matin, ce n’était pas vraiment le moment.
Elle : -Pourquoi ?
Lui : -Je ne sais pas moi, tu étais énervée. Moi aussi…
Elle : -Pourquoi ?
Lui : -Arrête de faire l’enfant avec tes Pourquoi.
Elle : -Je ne fais pas l’enfant. J’essaie de savoir pourquoi.
Lui : -Pourquoi quoi ?
Elle : -Pourquoi on ne peut pas parler de ces sujets, pourquoi tu t’échappes ou tu te mets en colère.
Lui : -Écoute, parlons-en ce soir. Je t’emmène au restaurant.
Elle : -Non.
Lui : -On en parlera à la maison alors.
Elle : -Non plus. Ce soir je ne serai pas là.
Lui : -Ah bon. Pourquoi ? Tu vas où ?
Elle : -Je ne sais pas encore.

BREA-NOTRE DAME DES CHAMPS

Lui : -C’est sérieux, alors ?
Elle : -Oui, sérieux.
Lui : -Bon, écoute, il faut qu’on reprenne tout ça à zéro.
Elle : -Ça ne sert à rien. On l’a déjà fait cent fois.
Lui : -Alors tu ne veux plus parler.
Elle : -Non
Lui : -Alors c’est fini ?
Elle : -C’est ça, c’est fini.
Lui : -Ce n’est pas possible…
Elle : -Si, c’est possible.
Lui : -Mais je ne veux pas, moi.
Elle : -Tant pis.

VAVIN

Lui : -…
Elle : -Tu es toujours là ?
Lui : -Oui
Elle : -Il n’y avait plus rien. J’avais p…Je croyais que tu avais raccroché.
Lui : -Non, non, je suis là.
Elle : -Écoute, je suis désolée, mais c’est mieux comme ça.
Lui : -…
Elle : -Tu ne dis rien ?
Lui : -Non, tu m’as dit que ça ne servait à rien.
Elle : -Tu vois, tu recommences. Tu refuses la discussion.
Lui : -Non, mais je ne sais plus quoi dire.
Elle : -Eh bien, dis-moi pourquoi je devrais changer d’avis
Lui : -Pardon ?
Elle : -Ecoute, je suis dans le bus. Je ne peux pas parler. Enfin, pas vraiment…Comprends ça, au moins ! Dis quelque chose !
Lui : -…

PLACE DU 18 JUIN 1940

Elle : -Tu es toujours là ?
Lui : -Oui, oui, je suis toujours là.
Elle : -Qu’est-ce que tu fais ?
Lui : -Je réfléchis…
Elle : -Et… ?
Lui : -Et je me demande si ce n’est pas toi qui as raison…
Elle : -Tu vois ! Bien sûr que j’ai raison.
Lui : -Oui, peut-être, mais c’est dommage.
Elle : -Non, non, c’est mieux comme ça.
Lui : -Oui, tu dois avoir raison.
Elle : -…
Lui : -Allo ?
Elle : -Alors, je te dis que je te quitte et c’est tout ce que tu trouves à dire.
Lui : -Ecoute, tu es incroyable ! Tu me dis que tu t’en vas, qu’il n’y a plus rien à discuter, qu’on s’est déjà tout dit. Et quand je tombe d’accord avec toi, tu m’engueules. C’est extraordinaire ça, quand même !
Elle : -Tu es où là, maintenant.
Lui : -A mon bureau.
Elle : -Ne bouge pas, j’arrive, espèce de salaud !

RUE DE L’ARRIVEE

Il repose le téléphone sur son socle. Il se renverse dans son fauteuil et le fait pivoter pour faire face à la baie vitrée. Il regarde l’esplanade de la Gare Montparnasse qui s’étale en dessous de lui. Il sourit légèrement. Dans cinq minutes, elle sera là.

Le pont des espions (Critique aisée n°66)

Critique aisée n°66

Le pont des espions (Bridge of spies)
2015-Steven Spielberg
Tom Hanks, Myke Rylance

1957, la guerre froide bat son plein, Berlin-Est construit son mur, l’URSS envoie des espions aux USA, les USA le lui rendent bien, avec en plus des avions U-2.
Le FBI arrête Rudolf Abel, espion soviétique, le fait passer en procès et le met en prison.
Trois ans plus tard, le U-2 de Gary Powers est abattu au-dessus de l’URSS qui récupère le pilote.
Deux ans plus tard, Abel et Powers seront échangés sur le le fameux pont de Glienicke, près de Berlin.
Telle est l’histoire.

Un de mes cinéastes favoris, Spielberg, en a tiré un film de 2 heures et 21 minutes. J’aimerais beaucoup dire en dire du bien.

Voilà : on entre très bien dans le film en même temps que dans l’intimité de Rudolf Abel. Ceux qui connaissent Norman Rockwell et son célèbre autoportrait seront comblés. C’est dans cette situation que l’on découvre l’espion, chez lui, en train de Continuer la lecture de Le pont des espions (Critique aisée n°66)