Archives mensuelles : mai 2016

Une affaire de taille

Je vais vous raconter une histoire. C’est une histoire vraie. Il n’y a aucun doute sur sa véracité. Elle a été rapportée par l’un de ses intervenants. Et pas n’importe lequel ! Un prix Nobel ! C’est dire combien cette histoire ne peut qu’être vraie.

Quand il s’agit d’une histoire courte et vraie, on a l’habitude de parler d’anecdote. Voici donc une anecdote.

C’est amusant de constater comme, en général, personne ne met en doute la véracité d’une anecdote. Quand on dit : « je vais vous narrer une anecdote sur la rencontre de Napoléon et de Joséphine », tout le monde écoute attentivement sans mettre en doute la véracité de la chose à aucun moment. Mais si on dit : je vais vous raconter une histoire : « C’est Napoléon qui rencontre Joséphine pour la première fois …», personne n’y croit et tout le monde se prépare à rigoler.

Mais ici, il s’agit bien d’une anecdote. Que voici.

Mais, encore une fois, il faut qu’il n’y ait aucun doute dans votre esprit sur cette histoire. Sans quoi, elle n’aurait aucun intérêt, et ne constituerait qu’une perte de temps pour vous et moi. Donc, voici l’anecdote :

Un jour qu’il buvait un verre de morgon Continuer la lecture de Une affaire de taille

Le beau style

Le beau style ne devrait pas se voir.
(…)
On devrait écrire comme on respire. Un souffle harmonieux, avec ses lenteurs et ses rythmes précipités, toujours naturel, voilà le symbole du beau style.
On ne doit au lecteur que la clarté. Il faut qu’il accepte l’originalité, l’ironie, la violence, même si elles lui déplaisent. Il n’a pas le droit de les juger. On peut dire que cela ne le regarde pas.
Jules Renard
Journal –  4 mai 1909

Logiquement

Tout est normal.
J’ai toujours considéré que tout était normal.
Tout ce qui arrive, tout ce qui m’arrive.
Tout a une explication, tout a une origine.
Tout est normal, tout est juste, tout est inéluctable.
Il n’y a rien à dire, rien à redire.
Il n’y a rien à faire, tout est bien.
Il n’y a rien à discuter, il n’y a pas à protester.
Tout est normal, pourquoi vouloir changer ?
C’est inutile, et même impossible.
Car tout s’explique.
Tout est logique, prévisible, inévitable.
Il suffit de raisonner, d’analyser, de déduire.
C’était couru d’avance, cela devait se produire.
Ce sont des choses qui arrivent.
On n’y peut rien, comprenez-vous ?
Et puis, le passé est le passé.
Qui résulte lui-même d’un passé plus ancien,
Qui à son tour résulte…
Et ainsi de suite.
Le passé a une suite,
Et la suite est logique.
C’est peut-être dommage,
C’est peut être injuste,
C’est peut-être regrettable
Ou peut-être idiot.
Ou même tragique.
Mais c’est comme ça,
Il fallait s’y attendre.
Alors,
Tout est bien
Qui finit bien,
Tout est normal
Qui finit mal,
Tout a une suite,
Tout a une fin.
Tout a une suite,
Sauf la fin.
Logiquement.

Flaubert savait-il écrire ? (Critique aisée n°76)

Flaubert savait-il écrire ?

Même si la lecture de À la Recherche du Temps Perdu m’a procuré, et me procure encore, plus de plaisir que celle de Madame Bovary, je tiens le roman de Flaubert pour le plus grand de la littérature française. (Il faut savoir que, dans cette compétition, beaucoup d’œuvres sont pour moi hors concours, pour la simple raison que je ne les ai pas lues.)

On sait que parmi les Flaubertistes, il y a d’un côté les Bovaristes, inconditionnels de la courte vie d’Emma et, de l’autre, les Educationnistes, passionnés par les aventures de Frédéric Moreau. L’expérience montre qu’on est rarement les deux à la fois. Moi-même, si ça vous intéresse, suis complètement du côté de l’Enquiquineuse Normande et j’ai un peu de mal à supporter le Dandy Parisien. Mais qu’il préfère Emma à Frédéric ou l’inverse, chacun reconnait l’exemplarité et la perfection du style flaubertien.

Il suffit de regarder un manuscrit du grand Gustave ou de parcourir n’importe quel ouvrage sur son œuvre pour comprendre qu’il n’écrivait pas facilement. Tous les critiques Continuer la lecture de Flaubert savait-il écrire ? (Critique aisée n°76)