Morceau choisi
Alexandre Vialatte, à propos du style en général et de celui de Jacques Chardonne en particulier :
(…) Simplifier, émonder, biffer. « Les écrivains se font grand tort en écrivant« . Que d’écrivains « restent enfouis au fond de leur œuvre » ! Que d’autres ressuscitent par des « morceaux choisis« . « Il y avait un « journal » émondé de Benjamin Constant ; excellent. Le journal intégral l’abîme beaucoup« . « Tocqueville intégral, c’est trop« . « Le texte intégral, c’est pour les thèses. » Tel est le bénéfice d’émonder. Boileau nous l’avait déjà dit : « Ajoutez quelques fois et souvent effacez. » Et Kipling expliquait que pour faire un roman il n’y a qu’un moyen véritable, prendre un pinceau épais, un pot d’encre de Chine, et biffer, supprimer, détruire. Pour une nouvelle, on prend le pinceau un peu moins large. Mais la méthode reste la même. C’est ce qu’on appelle l’économie de moyens. Elle fait loi dans tous les domaines : voyez faire La Fontaine ou un déménageur ; pas un mot superflu, pas un geste de trop. « La force, comme la distinction est dans l’économie des gestes. »
Qu’est-ce qu’on peut écrire après ça ?