Les panneaux de la vengeance – 3 billboards – Critique aisée 114

Critique aisée n° 114

Les panneaux de la vengeance – 3 billboards
Martin McDonagh – 2017
Frances McDormand, Woody Harrelson

Mon problème, quand je veux écrire la critique d’un film, ce n’est pas de me faire une opinion sur le film, ni de l’exprimer sous forme de phrases intelligibles, ça, normalement, j’y arrive. Enfin ! C’est à vous du juger, mais disons que j’ai l’impression d’y arriver. Non, mon problème c’est de trouver une entame.
J’aurais bien dit un incipit, mais j’ai déjà beaucoup utilisé ce mot, et on m’a dit que ça faisait pédant. Alors, disons entame.

Une entame, ça permet de s’échauffer les neurones et de fluidifier le clavier. Une entame, la plupart du temps, ça donne aussi l’humeur du jour, le point de vue duquel la critique sera écrite. Et enfin, souvent, à l’entame, on devine si la critique sera bonne ou mauvaise.
Et puis, soyons honnêtes, ça permet de tourner autour du pot en attendant que les idées viennent.

Parce que faire une critique de cinéma, ou de théâtre, ou de quoi que ce soit d’artistique, ça ne peut pas se résumer à dire « c’est super« , « c’est pas mal » ou « c’est nul« , à crier « j’ai adoré » ou à soupirer « je ne m’étais jamais autant ennuyé de ma vie« . Non, l’homme élégant et moyennement cultivé que nous voulons tous être un jour, cet homme-là se doit d’émettre un  jugement comportant un minimum de nuances, de références et, pourquoi pas, d’humour. Selon l’œuvre critiquée et selon le jugement qu’il en aura, l’homme élégant pourra remplacer une petite dose d’humour par une bonne rasade de vacheries.

Le même ne limitera pas non plus sa critique à une paraphrase du scénario, même s’il l’accompagne d’un émoticone dont la présence ou l’absence feront connaître son avis rudimentaire sur le film. Il ne fera pas ça,  sauf bien sûr s’il écrit dans un hebdomadaire à tendance intellectuelle portant le même prénom, mais un nom de famille différent de celui de son cousin, Télé 7jours.

Et voilà pour l’entame.

Maintenant, que dire des « Panneaux de la vengeance » ?
Que c’est super, que j’ai adoré ?
Que c’est l’histoire d’une femme obstinée qui cherche moins la vengeance — quel titre stupide !, on dirait une série B des années cinquante ­— que l’arrestation du meurtrier de sa fille ?
Que, pour faire bouger les hommes du Shérif, elle va … ?
Que je lui mettrais bien trois ou quatre petits bonshommes jaunes qui rigolent, comme ça :😀😀😀😀 ?

Après l’entame que je vous ai infligée, ce serait quand même un peu fort  !

Non, je dirai que c’est une version extrêmement originale d’une histoire que l’on a pourtant lue ou vue cent fois, que c’est une Série Noire, une vraie, avec sa petite ville perdue au milieu de nulle part, ou du moins pas très loin de cet endroit, avec ses policiers stupides et racistes, ses habitants abrutis par l’alcool ou l’indifférence, avec son crime, horrible, impuni depuis des mois, et avec cette femme, qui a perdu sa fille, que son mari a quittée, accablée, renfermée, mais volontaire, obstinée, violente et parfois drôle. Vous ne saurez rien de plus de ma part sur l’histoire, son développement, les personnages ou leur évolution. Sachez quand même que le film est admirable en tous points : pour sa réalisation, très sobre, sa direction d’acteurs, tous bons — mais deux ressortent vraiment : Frances McDormand, la mère, et Woody Harrelson, le shérif — sa musique, country, son scénario, imprévisible — ce qui n’en fait pas un thriller, loin de là — jamais manichéen, jamais moralisateur, et presque charitable envers ses personnages.

En googelisant sur le réalisateur, j’ai appris que cet anglais nous avait donné en 2008 « Bons baisers de Bruges », un film que je vous recommande absolument.

Beaucoup, mais pas moi, diront que McDonagh a été, au moins pour ses « 3 Panneaux », influencé par les Coen, et la présence de Frances McDormand ne sera pas pour rien dans cet avis. Mais pas moi, parce que, si parfois dans les « Panneaux » la violence éclate très crûment, on n’y trouve pas cette folie que les frères Coen mettent presque toujours dans leurs films et qui les éloigne de ce que nous pouvons accepter en tant que réalité.

Bon ! Et puis, est-ce que je vous l’ai dit ? C’est super !

 

ET DEMAIN, LA SEINE, ÇA MONTE !

4 réflexions sur « Les panneaux de la vengeance – 3 billboards – Critique aisée 114 »

  1. Ce film vu en février m’a fait passer un excellent moment. Histoire tragique certes mais le drame reste en filigrane sans atteindre profondément le spectateur subjugué par le jeu de cette femme à la volonté implacable mais non dénuée d’humour et d’humanité d’où le dénouement. Je l’avais déjà beaucoup appréciée dans « Burn after reading ». Oscar bien mérité.

  2. Sommes allés le voir hier, très bien mais de mon point de vue, très caricatural s’approchant même de l’esprit d’une BD. Du coup le personnage du shérif s’il se justifie par le don d’argent, ne trouve, à mon avis, pas sa place dans l’histoire, trop mélodramatique à l’intérieur de ce drame que le traité allège. Les acteurs sont formidables. Voilà mon cher Philippe ce que je trouve (c’est F Beigbeder qui dit qu’il est préférable dire « je trouve » que « je pense » parce que c’est moins prétentieux !!!!!!!)

  3. Eh Jim, il semblerait que tu patauges entre la langue anglaise et la langue française. Peut-être pensais-tu en anglais que ce vaniteux était un ‘insufferable pompous ashole’.

  4. Entamer un commentaire n’est pas facile non plus. Je partage tout ce qui est dit de cette critique sauf en ce qui concerne le film lui-meme puisque je ne l’ai pas vu. Mais j’irai le voir. Comme quoi une critique peut donner envie! Mon partage se résume donc à l’entame. C’est pas la même chose que l’incipit que je considère plus comme un truc littéraire, une sorte d’accroche ou un choc. L’entame est quelque chose qui agit plus lentement, à petites doses progressives, et surtout qui se savoure. C’est vrai en gastronomie, en littérature, en musique, en toute chose qui annonce la saveur de la suite. Dernièrement, c’est bien l’entame qui m’a fait savourer un texte sur un un vaniteux insoufrable. La simple description de son costume, ajusté à son port, m’a convaincu que je ne serais pas déçu par la suite.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *