Au théâtre ce soir

On the road again ou Retour au théâtre…

….ça y est, je suis assis, enfin. Tiens, c’est drôle, cette fois ci, ça a été plutôt facile de se garer. Un coup de chance incroyable. Le type est parti juste devant moi.
Bon, par contre, faire encore la queue devant la boîte à sel pour obtenir les places, c’est insupportable. C’est la dernière fois que je prends des billets sur Internet. De toute façon, c’est la dernière fois que je vais au théâtre. Je lui avais dit pourtant : je ne veux plus aller au théâtre, j’en ai marre de tous ces soi-disant succès. Les gens rient parce qu’on leur a dit que c’était drôle. Ils se sentent intelligents parce qu’on leur a dit que c’était intellectuel. Elle m’a dit que j’exagérais toujours.
Bon, j’avais dit que je n’irais plus, mais finalement, j’y suis, comme chaque fois, comme toujours.

C’est pas mal, un théâtre à l’italienne ! La salle est belle, le plafond est splendide. Par contre, nos places sont épouvantables, au fond d’une loge du premier balcon. D’ici, on ne verra jamais rien, il y a une colonne en plein milieu ! En plus, j’ai déjà du mal à entendre, mais alors là, ça va être très dur. Ça ne fait rien, dans les loges, il y a des chaises, et une chaise, on peut se renverser dessus et dormir. Et puis, d’une loge, on peut toujours sortir discrètement. J’irai au bar.
Tous ces gens à l’orchestre ! Comment ils ont fait pour avoir ces places ? Beaucoup de jeunes là-dedans. C’est pas bon signe.

Tiens, ça c’est la sonnerie du foyer. Ça ne devrait plus tarder.
C’est sûr, elle va vouloir que j’achète un programme. Mais je n’en veux pas, moi, de programme. Les places sont déjà assez chères, on ne va pas en plus dépenser 20 euros pour un programme. Pas de programme.
Bon, d’accord, d’accord, j’en prends en un. Mademoiselle ? Dix euros ? Dites-donc, c’est pas donné.

Bon, maintenant, y en a marre. Quand est-ce qu’ils commencent ? Déjà dix minutes de retard. Ces acteurs, ils se fichent du monde.
J’ai chaud. Qu’est-ce qu’il fait chaud ! Il fait beaucoup trop chaud ! Il fait toujours trop chaud dans les théâtres.
Ah, ça y est, les trois coups. C’est pas trop tôt.
Bizarre, le décor : deux tabourets, un parapluie ouvert et un arbre bleu à l’envers. Eh ben, ça promet pour le texte, hein ! Et ces andouilles qui applaudissent ! Mais il n’y a encore personne sur scène. Quelle bande de snobs !
Ah! Voilà Daniel Mercier ! Applaudissements fournis. Il a pas encore dit un mot, et on l’applaudit. C’est facile le métier d’acteur. Dis-donc, il a pris un sacré coup de vieux !
Mercier porte une robe de chambre chamarrée jaune et verte. C’est d’un goût ! Ridicule ! Voilà l’autre porte qui s’ouvre. Ah, c’est Sylvia Darène. Toujours aussi belle, celle-là. Applaudissement nourris. Là je suis d’accord. Je l’aime mieux au cinéma, mais quand même, là, elle est vraiment belle.
Bon, ils vont arrêter d’applaudir, ces ploucs ! Que la pièce commence enfin, qu’on en finisse !
Bon sang, mais j’entends à peine ce qu’elle dit. Lui, ça va, mais elle, je n’entends presque rien. Ah, le cinéma, c’est quand même autre chose !
Je me penche en avant, je me tords le cou, là j’entends un peu mieux. Des places à ce prix et ne rien entendre, quand même, ils sont gonflés !

Une crampe, ça y est, j’ai une crampe! C’est cette position impossible aussi. Il faut que je bouge cette fichue jambe. Voilà la bonne femme devant moi qui se retourne et me regarde avec impatience. Je ne peux pas rester comme ça, si ça continue je vais crier. Bon, ça passe; c’est passé.

Mais pourquoi il lui dit ça ? Je ne comprends pas pourquoi il lui a dit ça. J’ai dû sauter des répliques, je sais pas, mais je n’y comprends plus rien.
Hein, quoi? Mais non, je ne dors pas. Chut ! Laisse moi donc écouter, enfin !
Bon sang, c’est interminable. Il ne se passe rien. Tiens, il revient celui-la ! Je croyais qu’il était mort ! Incompréhensible, cette pièce ! Qu’est-ce qu’il fait chaud !

Cette fois-ci, j’en ai marre, je sors. Attention, il ne faut pas qu’elle me voit sortir. Ne pas faire de bruit en refermant la porte de la loge. Tiens, voilà qu’ils rient maintenant. J’ai dû rater le seul moment drôle de la pièce.
Zut, le bar est fermé. C’est une pièce sans entracte, alors pas de bar. La barbe ! Après tout tant mieux, ce sera plus vite fini. Encore un quart d’heure vingt minutes à peu près. Tiens, là il y a des fauteuils confortables. Aaah, il fait meilleur !

Ça devrait finir bientôt, il faut que je retourne à la loge. Tout doucement maintenant, comme sur des œufs. Ça va, je crois qu’elle n’a rien vu.
Ça doit être la réplique finale. Les applaudissements commencent. Tous les ploucs se lèvent et continuent à applaudir. Et les acteurs qui font semblant d’être surpris par l’ovation ! Faux jetons, va ! Après tout, peut être qu’ils ne font pas semblant. Ils savent bien que la pièce ne vaut rien, eux !

Elle me dit: « c’était bien, hein ? »
Je dis : « C’était super ! On va diner ? »
 

7 réflexions sur « Au théâtre ce soir »

  1. J’ai peut-être une autre explication au fait que les gens rient quand ce n’est pas drôle : ils rient parce qu’ils ont payé pour rire.
    Ou alors, c’est moi qui ne trouve pas drôle parce que je n’ai pas payé pour trouver drôle.
    Enfin, allez savoir…

  2. Je vais aller lire le texte du 21 janvier, à plus!

  3. J’ai beaucoup ri, c’est tellement vrai, j’ai vécu cela au théâtre d’Aix, quand tu prends l’abonnement et que tu dois choisir une pièce dans chaque thème et c’était la pièce « moderne » c’était atroce, il y avait un entracte, je voulais partir mais comme nous étions un groupe je suis restée !!!!!!!!!!!

  4. Dommage ! Mais peut-être pourras-tu trouver quelque chose à propos d’un autre texte très court sur le théâtre, qui paraitra sans doute le 3 mars prochain : »Note 5: Au vestiaire »

  5. Merci, Claudie.
    Dans ce même esprit, voir, si tu ne l’as déjà vu, mon texte très court, paru le 21 janvier « Note 1 : Au théâtre »

  6. Pas d’entracte, zut alors. Je ne peux pas replacer cette fois « vide les baignoires pour remplir les lavabos ». Peut-être une prochaine fois.

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