Birdman (Critique aisée 54)

Birdman    
d’Alejandro Gonalez Iñarritu, avec Michael Keaton et Edward Norton.

Drôle d’oiseau, drôle de film !

Moi, vous savez, je n’aime pas vraiment le théâtre. Sauf si c’est pour Feydeau, Shakespeare, et parfois pour Giraudoux, je n’aime pas beaucoup traverser Paris aux heures de pointe, ne trouver à me garer qu’au sixième sous-sol d’un parking qui sera sans ascenseur et à 21 minutes de marche du théâtre, brandir mes billets que j’ai dû imprimer chez moi par-dessus les têtes de mes semblables pour obtenir enfin de la boite à sel les numéros des sièges où je serai autorisé, après avoir soudoyé une ouvreuse,  à m’asseoir de travers sur un mauvais fauteuil d’où je verrai, les genoux enfoncés dans le dos de ma voisine de devant, une  scène coupée en deux par une colonne du XIXème siècle. (Vous voudrez bien noter que je n’ai rien dit de la pièce elle-même.)

Mais le cinéma, j’aime. Et le cinéma au carré, je veux dire le cinéma dans le cinéma, encore plus. Passionnants, ces films qui vous démontrent comment se fait un film, combien de personnes il faut écraser sur Sunset Boulevard pour arriver au sommet, comment on obtient le meilleur d’une actrice, comment on dessoûle un comédien. La Nuit Américaine, un plat tout en finesse, Les Ensorcelés, un monument d’ambition, Ça tourne à Manhattan, un merveilleux tournage raté.

Un film sur le théâtre, c’est presque mieux qu’un film sur le cinéma, peut-être à cause du lieu, fermé, sombre, avec la table pour le metteur en scène au milieu de la salle, l’entrée des artistes qui donne sur l’impasse derrière le théâtre, surveillée par un concierge qui en a vu d’autres… Passionnants, ces films qui vous expliquent comment on monte une pièce de théâtre, comment on obtient le meilleur d’un comédien, comment on dessoûle une actrice, combien de personnes il faut écraser sur la 42ème pour arriver au succès. All About Eve, passionnante réflexion sur le métier de Monstre Sacré, Le Dernier Métro, belle histoire sur les difficultés accumulées contre la réalisation d’une pièce, Entrée des Artistes, dure école des comédiens.

Alors, le théâtre dans le cinéma, j’aime. Presque autant que les procès dans le cinéma (je ne vais pas vous faire une liste des grands films de procès ; une autre fois, peut-être).
Un nouveau film sur le théâtre ! Pensez si j’étais content d’aller voir Birdman !

Je n’avais jamais vu Michael Keaton dans un rôle dramatique, mais, avec les acteurs américains, on peut s’attendre à tout. Mais avec Edward Norton, je m’attendais au meilleur.

Bon, le film commence. L’ambiance y est tout de suite. On reconnaît très vite Broadway du côté de Times Square. Et si on est un peu attentif et New Yorkais, on pourra même reconnaitre le théâtre Saint James. Les murs de briques, les escaliers d’incendie, les sombres coulisses , le plateau à peine éclairé, le dédale des couloirs vers les loges poussièreuses, tout ça nous est familier. On s’installe confortablement devant un film qui s’annonce classique. Le héros est là, Keaton, fatigué, torturé par son passé de vedette de blockbuster, ravagé d’inquiétude à l’approche de la générale d’une pièce qu’il a adaptée, qu’il met en scène et dont il jouera le rôle principal. Une légère surprise mêlée d’un peu d’inquiétude pour la normalité du spectacle : le héros est doué de télékinésie, vous savez, cette faculté de déplacer les objets par la seule force de la pensée. A part ça, il a l’air normal, à cran, mais normal. Il cherche un acteur pour remplacer celui qui devait tenir le deuxième rôle masculin. Mais tous les comédiens auxquels il pense sont occupés à tourner des films de super héros. « …tous des acteurs à cape ! ». Arrive Ed Norton, en comédien intellectuel, violent, passionné, qui a besoin de vivre totalement ses rôles. Et on se dit, chouette ! Ça y est, on va assister à une lutte de géants, entre ces deux comédiens, le premier, ex-géant, ex-Batman, Spiderman, Superman, Ironman ou autre Marvel, et le second, actuel géant de la scène, caractériel, capricieux, insupportable, drôle, génial. On voit déjà la fin où, après une lutte épique qui se déroulerait sur scène, mais à l’insu du public, les deux hommes se réconcilieraient pour la Plus Grande Gloire du Théâtre.

Oui, bon. C’est effectivement un peu comme ça. Mais, après une très honnête première demi-heure, la télékinésie, qui a tendance à intervenir de plus en plus souvent, vient un peu gâcher le plaisir. Je ne vous en raconterai pas davantage, pour ne pas gâter le demi-plaisir que vous pourriez avoir à regarder ce film.

Disons quand même qu’il y a deux fins successives. La première, totalement inattendue, est très originale par son côté sarcastique. J’aurais bien vu le film s’arrêter là. Malheureusement, quelques minutes plus tard, il y a une deuxième fin, la vraie cette fois-ci, qui couronne le film en voulant lui donner un côté poétique.

Edward Norton a quelques scènes fortes dans lesquelles il est excellent. Michael Keaton est plutôt bon, mais un peu immobile. L’ensemble est honnête, mais peu convaincant.

Surtout,  n’allez pas rater l’excellente scène où Keaton dit tout le bien qu’il pense du métier de critique. Je suis tout à fait d’accord avec lui. C’est pourquoi je me tais et vais me cacher au fond du trou de souffleur le plus profond possible.

Récompenses aux Oscars 2015 : Meilleur film, meilleur réalisateur. Mouais…

Une réflexion sur « Birdman (Critique aisée 54) »

  1. Tu es allé le voir en avant-première car il ne sort que demain.
    J’adore Keaton et c’est sur que la bande annonce te donne envie, on verra, j’ai tellement de film à voir, le w-e en ce moment en range, on trie, on jette, c’est l’approche du printemps, c’est le grand nettoyage !!!!!!

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