Post it n°10 – Ecrire

Ecrire, c’est comme photographier.
Une fois que le goût en est pris, on ne voit plus les gens ni les choses de la même façon.
On se met à ressembler à ces touristes qui ne voient le pays dont ils rêvaient qu’à travers l’objectif de leur appareil.
On ne vit plus sa vie, on est sur le qui-vive, à l’affut du sujet et tout devient gibier : une dispute dans la rue, une marée qui descend, une femme qui téléphone, un instant, un mot.

Ecrire, c’est comme photographier; c’est être absent de sa propre vie.

6 réflexions sur « Post it n°10 – Ecrire »

  1. « Ecrire, c’est comme photographier; c’est être absent de sa propre vie. »

    Je partage ce constat!

    Toute activité qui nous passionne (écrire, photographier, enseigner, créer une œuvre d’art, etc.) nous distancie, nous donne l’illusion d’objectiver (objectif de l’appareil pas pareil) ce qui nous entoure, de le voir de haut (vue équestre et vue d’avion ou de google earth).

    C’est l’âme qui se détache du corps! Sans pour autant aller au paradis!

    Deux métaphores me viennent à l’esprit:
    l’enfant qui voit le monde à l’altitude de son cerf volant
    et, pour être post moderne, le manipulateur d’un drone muni de caméra.

    Restent quand même deux bémols:
    – la ficelle du cerf volant
    – et la boite de pilotage du drone.

    On ne peut donc jamais se départir de notre cul-terreux!

    Persiste donc ce lieu d’où l’on parle, écrit, photographie, peint ou sculpte!

    Le soixantehuitard attardé et expatrié

  2. Je reviens à cette citation que j’ai lue maintenant plusieurs fois.
    Ecrivant moi-même énormément, et ayant été mariée presque dix ans à un photographe, de dois dire que je ne suis pas d’accord du tout avec cette citation.

    Alors que mon mari observait le monde de façon très détachée, soit à travers l’objectif, soit à travers ses doigts tenus de façon à simuler ledit objectif, et donnait effectivement l’impression d’être détaché de sa vie, ne la vivant qu’à travers les images collectées, moi, au contraire, j’observe les gens, lieux et situations en me plongeant au coeur de l’action ou de la psychologie de la personne, afin de pouvoir en rendre fidèlement les moindres aspects, les nuances et les subtilités.
    Je pense que l’écrivain se nourrit de ses expériences et rencontres. Ainsi, il remodèle sa propre personne, son existence, de par les multiples influences positives (ou les exemples négatifs à ne surtout pas reproduire! ) qu’il observe.

  3. Là on est d’accord, toi, Proust et moi si j’ose dire. Je comprends bien qu’écrire, peindre ou photographier sont des passions qui peuvent accaparer la vie, le qui-vive, de celui qui s’y prête. Mais je persiste à penser que le touriste, c’est lui le suspect, ou plutôt l’intrus sorti de ton propos, en prenant son « cliché » sans voir autrement qu’au travers de son objectif, succombera au « style notation », sans traduire sa « vision ». Je pensais qu’écrire, toujours selon ton propos, n’était justement pas de tomber dans le cliché mais de composer. Enfin, c’est la thèse que j’aurais défendue au bac dans mon explication de texte en espérant bien une mention.

  4. Je me suis mal fait comprendre.
    Je n’ai pas voulu dire qu’écrire c’était photographier, c’est-à-dire décrire fidèlement dans un style photographique un paysage, un personnage ou une scène. Ça, c’est tomber dans le style «notations » dont nous parlions l’autre jour.
    Ce que j’ai voulu dire c’est que, quand on est pris par le goût, l’envie, le besoin ou la passion d’écrire, on a le même comportement que celui qui est pris par le goût, l’envie, le besoin ou la passion de photographier. Tout paysage, personnage ou scène devient sujet potentiel, et celui qui écrit (je ne peux pas dire écrivain), comme celui qui photographie (là on peut dire photographe), ne pense plus qu’à ce qu’il va pouvoir faire de ce dont il est témoin : un texte court, une idée de nouvelle, un chapitre de roman, un cliché intimiste en noir et blanc ou un panoramique somptueux en couleurs.
    Mon idée, c’était que, ainsi faisant, celui qui écrit, ou celui qui photographie ne vit plus véritablement sa vie, il tend à n’être plus que l’observateur-interprète de ce qui l’entoure.

  5. Bon ! Et Re-Bon! Je n’ai pas eu le temps ce matin de poursuivre ma pensée car, en effet, écrire c’est bien comme photographier, et en commençant la lecture du post it je me disais « voilà qui commence bien ». Mais j’ai changé d’avis en lisant la suite. Au risque que d’aucuns me traitent de pédant, ou d’enfonceur de portes ouvertes, oserai-je rappeler l’étymologie du mot photographie qui est « écriture de la lumière ». (et, au passage, pan sur le bec de la ministre qui veut éliminer le grec et le latin de l’éducation de nos bambins). Les touristes, depuis l’avènement du numérique, ne font pas de la photographie. Ilsmitraillent. Ils ne regardent même pas ce qu’ils photographient pour s’en imprégner. Disons qu’ils font des « clichés » qui ne risquent pas, quand ils les regarderons de retour chez eux, de RE-saisir la vie comme Proust le disais en début de la phrase que j’ai cité précédemment. Voilà en entier ce que je souhaitais dire ce matin. Ah oui, c’est bien possible que je sois (parfois peut-être) pédant mais je pardonne ceux qui le pensent.

  6. Bon! Il y a beaucoup à dire à propos de ce post it. Je ne partage pas cette comparaison, en tout cas telle que la photographie est présentée là (celle des touristes), et renverrai volontier à la dernière phrase de Proust citée dernièrement (et pan sur le nouveau roman): « le style, pour l’écrivain aussi bien que pour le peintre (et j’ajouterai que pour le photographe), est une question non de technique mais de vision ».

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