Octobre au Trastevere

Piazza Santa Maria In Trastevere, Rome

Soleil, ombre et fraîcheur. Calme.

La place est carrée, pas trop grande, et seulement quatre rues étroites y conduisent. Comme presque toutes les places de la ville, elle réunit les époques et les couleurs de Rome : une fontaine romaine, une église médiévale, un palais presque renaissance et deux ou trois immeubles XVII et XVIIIème.

L’endroit n’est pas très fréquenté par les groupes de touristes : pratiquement inaccessible aux autocars, il n’y a que deux restaurants, un café, un kiosque à journaux, et pas un seul commerce.

Pourtant, quelques touristes isolés croisent dans les parages, prennent une photo, entrent et sortent de l’église, s’installent pour un café ou un déjeuner. Une bande de jeunes gens, romains et étrangers, rient sur les marches de la fontaine. Une vielle femme arcboutée sur une poussette traverse rapidement la place et les pavés noirs font trembler les joues de l’enfant qu’elle ramène à la maison. 1165-PIAZZA STA MARIA IN TRASTEVEREUn serveur de restaurant, debout les bras croisés devant sa terrasse, discute au soleil avec un homme en tablier gris. Un triporteur des services de nettoyage traverse bruyamment la place à vive allure, suivi d’une petite fumée bleue, et disparait dans l’ombre d’une ruelle.

Nouveau calme.

Deux femmes Roms sortent de l’ombre de la même ruelle. Elles sont habillées en gitanes, ample chemisier blanc à manches longues, large ceinture noire, longue jupe colorée et grand châle bariolé jeté sur les épaules. Elles traversent lentement la place d’une démarche sinueuse et chaloupée. L’une d’elles porte au creux de son bras gauche un nourrisson emmailloté. L’autre tient fièrement sa main droite appuyée sur sa hanche, tandis que le châle recouvre son épaule et son bras. De temps en temps, l’une d’elle accoste un passant ou un petit groupe de touristes. Elles virevoltent, s’arrêtent, disent quelques mots, montrent l’enfant, mendient un peu, proposent la bonne aventure.

Deux carabiniers arrivent sur la place par la rue opposée. Les femmes s’éloignent d’un air nonchalant et disparaissent à nouveau dans la ruelle.

La prochaine fois que vous les croiserez, vous prendrez le temps d’observer, et vous verrez que l’enfant est vrai, mais que le bras qui le porte est faux. C’est une armature accrochée à la taille de la femme qui supporte le bébé. Le vrai bras gauche est dessous, dissimulé par le châle et l’emmaillotement de l’enfant. Ce bras-là a toute liberté pour fouiller sans qu’il s’en aperçoive le sac ou la poche de l’imprudent attendri qui s’intéresse au bébé. Pour l’autre gitane, le principe est le même, mais c’est le bras droit qui est faux. Le vrai est dessous, abrité des regards sous le châle qui pend presque jusqu’au sol.

Tout le monde ici connait le truc.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *