Rome, unique objet

Si vous me demandiez de vous dire un lieu d’adoption, un lieu que j’aimerais particulièrement à cause des souvenirs qui s’y attacheraient, un lieu dont j’aurais tant reçu que je lui en serais éternellement reconnaissant, un lieu qui…, un lieu que…, alors, je vous dirais : ça, c’est Paris !
Paris, j’y ai vécu la plus grande partie de ma vie, je l’ai quittée un temps, c’est vrai, mais j’ai fait beaucoup pour y revenir, y compris changer de vie.
Mais Paris, j’y suis né. C’est ma ville mère, pas ma ville d’adoption.

Alors s’il fallait quitter ma ville, quitter ma mère, en trouver une nouvelle, alors ce serait Rome.

Pourtant, quand j’y suis arrivé pour la première fois, après quelques semaines de séduction, j’ai détesté Rome, Rome et sa saleté, Rome et sa chaleur, Rome et son désordre, Rome et son oisiveté, Rome et ses voleurs, Rome et sa superbe, Rome et ses Romains, Rome enfin que je hais…
Alors, j’ai quitté Rome, fâché.

Pendant plusieurs années, quand je disais que j’avais habité Rome et que j’avais détesté cette ville, personne ne voulait me croire, on me prenait pour un snob, ou pire, pour un américain.

Et puis, les années ont passé. Et presque à contre-coeur, un jour j’y suis retourné, une petite semaine, comme ça, pour faire plaisir. Et j’ai vu que Rome avait changé, et j’ai compris que j’avais changé.

Et depuis, maintenant que j’ai tout mon temps, presque chaque année, j’y retourne.

Bien sûr, Rome, c’est d’abord le forum, pas le Colisée, non, le forum, ou plutôt les forums qui pèsent de deux mille cinq cents ans d’histoire, et dont l’enchevêtrement et l’empilement font sentir toute la complexité, le chaos de cette période fondatrice. Puis Rome, c’est la renaissance, Michel Ange, Raphaël, et puis le Caravage, et puis les immenses richesses des palais des Doria Pamhyli, des Colonna, des Farnese, des Borghese. Rome c’est bien-sûr le Vatican, Saint-Pierre, Saint Jean de Latran, Santa Maria in Cosmedin.

Mais Rome, aujourd’hui, pour moi, ça commence toujours sur la Piazza della Rotonda, où je prends un café chez Di Rienzo dans la fraîcheur du matin, quand la place est encore presque vide et que le soleil commencer pointer derrière le Panthéon.RUE DE ROME

C’est la promenade qui mène au marché du Campo Dei Fiori, avec ses fruits, ses huiles, ses fleurs, ses pâtes en sachet, ses olives en vrac. C’est aussi les petites rues obscures, pavées de noir, qui mènent chez Corsi, sombre petite auberge, où l’on côtoie un évêque en civil et deux touristes en uniforme, et dont les murs sont recouverts de bouteilles de vins. C’est la glace surmontée de chantilly qui déborde du cornet en gaufrette et que l’on achète sur la Piazza Navona, juste en face de la fontaine de Bellini.

C’est la Via Condotti avec Louis Vuitton gauche, Gucci à droite, de belles romaines partout et les marches d’Espagne en ligne de mire. Et puis, Rome, depuis le haut des marches, quand le soleil se couche, c’est l’horizon de coupoles brillantes, de toits mats, de campaniles ajourés, qui se détachent à contre-jour sur la vague ligne d’horizon des collines bleues et des pins parasols.

Rome le soir, c’est diner dehors, au-delà du Tibre, sur la Piazza Santa Maria in Trastevere, devant l’église médiévale, et observer le manège des gitanes qui tournent autour des touristes en faisant voler leur robes multicolores.

Et la nuit, Rome, c’est le retour, dans la douceur, parmi les fontaines, au milieu des calèches, des Vespas et des joueurs de guitare.

J’aime Rome parce que c’est une ville où à chaque pas, on sent le poids de l’histoire. Mais j’aime Rome aussi parce que, du fait de`la douceur de vivre, on s’en fiche.

Ici on ne parle parle pas de poids de l’histoire, juste d’une trace.

2 réflexions sur « Rome, unique objet »

  1. J’ai déjà écrit pas mal de textes sur Rome, mais celui-ci a été rédigé en atelier d’écriture, avec la thème imposé de la ville d’adoption. Il y a trente ans, ç’aurait été sans doute New York, mais aujourd’hui, c’est Rome, sans conteste.

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