La Guerre des Mouches (Critique aisée n°74)

Critique aisée n°74

La Guerre des Mouches
1938-Jacques Spitz
Editions Ombres
151 pages

C’est il y a plus de trente ans que j’ai lu ce petit bouquin pour la première fois. C’était probablement en vacances, peut-être en week-end, certainement chez des amis. Je l’avais sûrement trouvé sur une étagère poussiéreuse, dans un couloir sombre, bien rangé au milieu d’autres livres bon marché. Son titre sans équivoque  et l’illustration naïve de sa page de couverture laissaient présager un roman populaire de simple terreur, écrit au premier degré pour faire frissonner les militaires et les bonnes d’enfants. Il se distinguait dans son environnement peu attractif,  debout entre plusieurs volumes des  aventures du Commissaire San Antonio et une collection des exploits de Son Altesse Sérénissime le Prince Malko  (oui, je l’avoue enfin, je n’ai jamais vraiment aimé San Antonio et j’ai toujours détesté S.A.S.). C’est donc d’un doigt presque dédaigneux que je l’ai ouvert pour découvrir une première phrase qui m’a réjoui d’emblée :

« Jules-Evariste Magne, né à Cahors, dans le Lot, troisième fils d’un tonnelier, avait échappé de justesse au ridicule d’être prénommé Charles… »

J’ai donc poursuivi ma lecture et l’ai achevée avant que le week-end ne se termine et que je ne rentre à Paris en oubliant de voler l’ouvrage à mes hôtes.

La Guerre des Mouches, j’ai gardé ce titre en tête depuis cet heureux week-end, le cherchant partout dans les bonnes librairies, désespérant de pouvoir me replonger un jour dans les péripéties de ce conflit gigantesque rentre l’homme et l’insecte, jusqu’à ce que, aussi épuisé que les éditions de ce bouquin, je n’abandonne pour me consacrer à une autre recherche, celle du Temps Perdu.

Mais, quelques années plus tard, mon idée fixe est revenue en force, et Amazon, sur mon aimable demande, m’a gentiment envoyé un exemplaire de cette œuvre majeure de Spitz, réimprimée à Cahors en 1997 et vendu à l’époque pour la somme de 50 Francs.

Voici donc, en 151 pages d’une typographie serrée, la conquête de la planète par la musca errabunda, variété évolutive et conquérante de la mouche ordinaire de nos campagnes. Cette conquête est vue à travers les aventures et les amours de Jules-Evariste Magne, obscur laborantin qui deviendra le leader de la résistance contre l’insecte dégueulasse.

Tout le style du livre se trouve dans la première phrase : précision, académisme, désuétude, parodie, humour.
Racontées de cette manière, c’est un plaisir de suivre les évolutions de la sale petite bestiole pour conquérir les continents et les mesquineries nationales des différents pays qui tentent d’y résister séparément.

Sans son humour, cette histoire pourrait bien faire penser au moustique tigre et à son virus Zika.
On peut regretter aussi quelques longueurs et répétitions dans la description de la phase finale de la conquête. Mais la chute, que je ne révélerai pas, n’est pas décevante.

 

 

 

 

2 réflexions sur « La Guerre des Mouches (Critique aisée n°74) »

  1. Spitz et Swift! Voila une belle façon de commencer par en bas (ordre alphabétique inversé) la liste de nos cosmopolites tant recherchés.

    Les mouches! Quelle belle métaphore pour décrire « les évolutions de la salle petite bestiole (le KK global constitué de 0.01% de l’humanité) pour conquérir les continents et les mesquineries nationales des différents pays qui tentent d’y résister séparément »!

    Chez Swift, C’est bien par l’union (syndicale) des nains (les nations enfin solidaires) que l’on arrive à bout de la tyrannie du géant (le KK global)!

    Bravo!

    Par contre, pourquoi mettre dans un même sac les militaires et les bonnes d’enfants?
    Elles ne méritent pas une telle déchéance!

  2. Effectivement, une première phrase qui pourrait servir de phrase annonce , comme une bonne bande annonce de film, nous poussant dans une salle obscure.

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