Réponse de Lilith à Eve

Avertissement
Si vous ne savez pas qui est cette Lilith, et si vous n’avez pas lu la lettre qu’elle a reçu hier de Mme Eve de Lagenaise, vous n’allez rien comprendre du tout. Alors, cliquez sur le lien ci-dessous et vous saurez ce qu’il y à savoir.

Mais qui est donc cette Lilith et pourquoi écrit-elle à Eve ?

***

Lilith Mefis-Tofelesse
666 impasse Denfert
Hadesville

Madame Eve de Lagenaise
1 bis rue de Paradis
Edenbourg

Madame,

Vous allez être surprise, mais je vais répondre à votre petite lettre revancharde et satisfaite.

Votre Adam vous revient ? Tant mieux, ça m’arrange ! Croyez bien que j’ai d’autres occupations plus gratifiantes que de faire l’éducation sexuelle d’un grand benêt sans imagination et de traîner un éteignoir dans les sabbats du samedi soir.

Adam veut rentrer à la maison ? Grand bien lui fasse ! Mais, quand il en aura assez  du gratin de courgettes et de vos petits câlins furtifs toutes lumières éteintes, soyez certaine qu’il reviendra gémir devant ma porte en me suppliant de le reprendre.

Je le sais, il fait ça à chaque fois…

Mais vous paraissez surprise…C’est l’expression « à chaque fois » qui vous étonne ?

Ah, vous ne saviez pas que ce n’est pas la première fois ? Il ne vous avait pas dit que nous étions déjà amants bien avant qu’il ne fasse votre connaissance ? Non ? Décidément, notre pauvre biquet manque vraiment de courage.

Laissez-moi vous raconter…

Quand j’ai rencontré Adam, il était beau comme Dieu. Mais stupide ! Stupide comme une buche ! Que dis-je comme une buche ? Comme un tronc d’arbre ! Il n’avait aucune conversation et il ne connaissait rien aux choses de l’amour. Mais moi, je voulais faire l’expérience d’un homme, et il fallait bien que je me contente de celui-là : il était le seul de son genre à la ronde.

Nous avons vécu ensemble quelques mois de folie. Une période épuisante pour lui, intéressante pour moi… Je lui ai tout appris. Au début, ça m’amusait de le voir découvrir chaque nuit de nouvelles excentricités, de nouveaux raffinements, de nouvelles perversions. Et puis, je me suis lassée. Il manquait quand même trop d’inventivité, d’esprit d’initiative, vous comprenez ? Non, bien sûr, vous ne pouvez pas comprendre.

Alors, un soir, je l’ai planté là pour un ange qui passait. « Un ange, mais ça n’est pas votre genre ! » me direz-vous. Peut-être, mais cet ange là savait si bien faire la bête ! Je me suis mise en ménage quelques temps avec lui, et puis j’ai fini par trouver que ses ailes devenaient encombrantes. Alors, j’ai repris Adam, qui d’ailleurs ne demandait pas mieux. Mais au bout de quelques semaines, j’ai croisé le chemin d’un bon petit diable, tout beau, tout mignon. Un vrai démon, celui-là ! J’ai donc remis Adam à la porte.

C’est peu de temps après qu’Adam vous a rencontrée et que, pour combler sa solitude, il vous a séduite. Un pis-aller, en quelque sorte. Le problème, il me l’a bien sûr raconté, est que, prude et bigote comme vous étiez, il ne pouvait rien obtenir de vous hors mariage. C’est pourquoi il a dû y passer et vous promettre fidélité, enfants, confort moderne et tout le toutim. Plus tard, il m’a raconté votre nuit de noces : nous avons bien ri. Mais quand j’ai su qu’au cours des nuits suivantes, alors qu’il tentait de vous initier aux petits jeux que je lui avais appris, vous vous barricadiez en pleurant dans la salle de bain, j’en ai presque éprouvé de la pitié pour lui, sentiment inconnu de moi jusqu’alors.

Pendant ce temps-là, moi, toujours à la recherche de nouvelles sensations, je passai de diables en diablotins, de diablesses en succubes, et d’anges déchus en séraphins enthousiastes. J’accumulai les expériences, les techniques et les souvenirs.

Un jour, alors qu’il était près d’exploser de frustration, Adam est venu me retrouver. Il m’a supplié de le reprendre. Il m’a promis qu’il ferait tout ce que je voudrais, qu’il vous quitterait sur un simple mot de moi. Alors j’ai accepté. Je lui ai dit que je lui ferai une petite place au chaud en enfer, mais à la seule condition : qu’il vous garde comme épouse. Vous comprenez, je voulais du temps libre, ne pas l’avoir éternellement dans les jambes pour mes autres activités, principalement la recherche fondamentale en sexologie et la sorcellerie appliquée.

Vous voyez, c’est à moi que vous devez vos cinq dernières années de vie commune. Sinon, il y a longtemps qu’Adam vous aurait jetée comme une vieille éponge mouillée.

Je vous souhaite donc bien du plaisir et vous remercie par avance de me le maintenir en forme pour le jour où il me reviendra.

Veuillez agréer, ma petite Eve, – vous permettrez que, compte tenu de ce que nous avons en commun, je vous appelle ma petite Eve ? –, l’assurance de mes sentiments irrespectueux

L.M.T.

 

 

 

 

 

 

4 réflexions sur « Réponse de Lilith à Eve »

  1. L’Islam semble avoir résolu les problèmes découlant de la violation de l’aspect interdit de la chose pour ADAM.

    Ces échanges épistolaires entre Ève et Lilith, rapportés par Philippe, (que faisait-il dans ce ménage à trois?) se retrouvent fréquemment, – style en moins, il est vrai -, dans les conversations impliquant la 1ère et la 2ème femme du Harem. (Hélas, sur ce plan religieux, mon expérience n’est que vicariale! Je puise dans mes souvenirs de lecture des comtes des mille et une nuits! Si Edward Saïd, premier anthropologue Post-Coloniale, était encore vivant, il m’accuserait d’Orientalisme Primaire!)

    Évidemment, Lilith, dans cette religion, élargissant sans cesse son champ d’expériences dans l’immense spectre des possibilités de la sexualité humaine (c’est ce qui, avec le rire, distingue l’homme et la femme des animaux) et donc, découvrant sans cesse de nouveaux partenaires, aurait pris le risque d’être lapidée à chaque nouvel amant ou maîtresse. Après tout, en plus d’être Hétéro. hyperactive, elle peut bien étendre l’océan de ses découvertes aux côtes Lesbiennes! Peut-être y retrouverait-elle la côte d’ADAM qui, selon les ventriloques judéo-chrétiens qui ont hypnotisé ma jeunesse, l’aurait perdue pour qu’EVE puisse exister!

    Sans être féministe enragé, voire « hystérique » – comme disent les machistes -, un simple souci d’égalité homme/femme nous pousse donc à inventer une nouvelle religion. Une morale où EVE, comme Lilith pourrait impunément sauter la clôture autant de fois que bon lui semble. Entre autres conséquences positives, cela aurait l’avantage de peaufinerait le volet ‘pute’ (face cachée de toute femme) que tout homme recherche désespérément chez la mère de ses enfants (selon les auto-psychanalyses des Psys. que je fréquente assidûment)!

    Mais, comme le suggère Jim, le tala (qui va-T-À LA messe), le plaisir ne découle pas entièrement de la créativité érotique des partenaires (quel que soit leur genre, mauvais ou bcbg, chanté par Brassens et décrit par Antoine POL) mais, peut être, d’avantage de la transcendance de l’interdit!

    Pour les grands pervers, c’est donc encore plus jouissif quand la punition, en cas de délation par de jaloux voyeurs, est maximale!

    Dans le fond, prendre son pied chez les voisins (que nous ne devrions pas épouser par simple correction politique, selon Gilbert) durant l’inquisition catho ou pendant la chasse aux sorcières des Puritains, c’était le TOP!

    Philippe a raison, tout est pour le mieux dans notre monde et pire il est, plus il est délectable à condition bien sûr, qu’il soit décrit avec style! Enjoy!

  2. Correction: Antoine POL est le poète qu’a chanté Brassens, uniquement connu pour ça.

  3. Dans toute lecture romanesque se pose invariablement la question de savoir quelle est la part du vécu et celle de la fiction, avons-nous à faire à un récit ou à un roman? Allez savoir! Mais telle n’est pas la question que je me pose après cette lecture de ce Dimanche matin. Je me la poserais peut-être tout à l’heure à la messe si le sermon du prêtre n’est pas captivant. Hier j’ai cité ce brave Georges Brassens qui a beaucoup chanté la femme sous toutes ses formes, les honorables dans toutes les acceptions du mot, y compris celle jadis employée s’agissant de l’acte de chair par lequel le mari « honorait » à sa convenance son épouse légitime, comme les illégitimes, les Créatures dont il était question hier, Eve versus Lilith. Mais cela pose aussi le rôle de l’homme car c’est lui qui en maître absolu a édifié au fil des siècles, les normes, les codes, les lois, les règlements, les usages, la bienséance, la réputation, c’est-à-dire les limites dans lesquelles il enfermait la femme mais aussi s’enfermait lui-même, et dans son hypocrisie et sa lâcheté, mais surtout dans son esprit de liberté et de conquête, et il lui fallait bien faire quelques incursions dans les territoires hors limites, prometteurs de jouissances nouvelles, « comme un vol de gerfauts hors du charnier natal ». Deux chansons de ce vieux Georges méritent d’être citées ici car au-delà des convenances évoquées plus haut, elles évoquent, à mon sens, les ambiguïtés des unes et des uns: « Pénélope », la légitime, l’épouse modèle, celle qui n’a point d’accrocs dans sa robe de mariée, mais qui en tout bien tout honneur rêve de compter de nouvelles étoiles au ciel d’un autre lit. « Les Passantes », sur les paroles d’un obscur Antoine Paul, poète totalement, non pas notoirement mais bien totalement méconnu, dans un un poème dédié à toutes les femmes qu’on aime pendant quelques instants secrets, pas forcément toutes des Lilith d’ailleurs. Respectons les jardins secrets s’il en existe encore car Mai 68 est passé par là pour interdire les interdits, jouir sans entraves, et tuer les rêves illégitimes puisque qu’ils n’avaient plus de raisons de l’être. La moralité n’est plus ce qu’elle était, elle était plus jouissive autrefois puisqu’elle avait son pendant, l’immoralité, à tout le moins dans les rêves. Et maintenant je peux aller à la messe avec ma moitié légitime! Je sens que le sermon va m’entrainer vers d’autres horizons, terrestres ceux-là…

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