Tout est revenu

En un instant, tout est revenu, tout ce qui s’était passé avant, notre retour du cinéma de la rue d’Odessa, notre discussion sur les amis qui viendraient diner ce soir, sur Cate Blanchett, sur la différence entre la beauté, la classe et le charme, sur la douceur de la température, notre choix de prendre par l’extérieur du Luxembourg plutôt que de traverser le jardin, notre attente au bord du trottoir que le petit bonhomme devienne vert, et puis ce petit choc sur le côté de la tête, et moi qui me sentais vaciller et m’affaisser doucement contre le feu de circulation, et qui restais là, la tête penchée sur mon épaule, qui croyais que j’avais glissé, ou bien que j’avais eu un étourdissement, enfin rien, que j’allais me relever, qu’il suffirait de vouloir, mais que j’allais me reposer là encore un peu parce que j’étais fatigué et que j’avais un peu mal à la tête tandis qu’au-dessus, des voix disaient rétroviseur ou autobus, ou vrai danger, ou police-secours, pompiers, médecin, ambulance, couvrant celle de Françoise qui me secouait doucement par le bras, puis plus fort, puis par les deux épaules en m’adressant des mots que je ne comprenais plus et qui sonnaient dans ma tête comme les aboiements d’un chien qui nagerait sous l’eau, juste avant que le noir et le silence complet ne se fassent dans ma tête et que je reprenne conscience dans un cadre qui m’était étranger, mais qui me devint bientôt familier, parfois fait de lumières vives et parfois de pénombre, de ronronnements proches et de bruits lointains, entouré que j’étais d’objets métalliques luisants, parfois de visages masqués et attentifs, et parfois de visages inquiets que je ne reconnaissais pas et qui aboyaient sous l’eau, doucement, gentiment, à tel point que, sans savoir qui ils étaient, je me mettais à les différencier les uns des autres, à leur donner des noms comme La Jolie Blonde, Le Vilain Chauve, ou Peter Pan, et que pendant leurs absences, ils se mettaient à me manquer tellement que j’en pleurais, et que j’en pleurais encore au moment où cet homme noir et masqué est venu secouer mon lit en m’emmenant à travers toutes sortes de lumières étranges jusque dans un endroit très froid qui faisait mal aux yeux où un autre homme masqué au regard triste et doux était venu m’observer sans un mot, juste avant que le noir et le silence à nouveau ne se fassent dans ma tête pour me réveiller des années plus tard, avec la pleine conscience retrouvée, le souvenir présent de tout ce qui s’était passé et la surprise de voir l’homme au regard triste et doux qui s’était penché sur moi enlever son masque et ses gants en disant à quelqu’un que je ne voyais pas : « Désolé, on aura fait tout ce qu’on pouvait, mais l’hémorragie était trop forte. »

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10 réflexions sur « Tout est revenu »

  1. Mac Luhan a dit et écrit beaucoup de choses… des bonnes mais aussi des vertes et des pas mures!

    Pour mon humble part de tarte aux pommes, je crois que le message n’est ni dans le texte (forme et fond) ni dans le contexte de sortie ou d’écriture du texte (Colette a écrit son texte durant l’occupation) mais dans la tête et le cœur du ou de la destinataire.

    Ce dernier agit en fonction de ce qu’il comprend, de ce qu’il a construit, avec son petit bagage, seul dans son coin! Il projette ce qu’il sait ou croit savoir sur le texte que lui propose l’auteur! Il est donc co-créateur et agit en fonction de ce qu’il a compris et non selon ce que le locuteur a voulu dire.

    L’étude de la communication n’est ni pédagogie ni didactisme! Ni linguistique ni sémiologie!

    Elle s’intéresse autant au dernier de classe (en démocratie c’est un électeur et sur le marché, c’est un consommateur-producteur) qui n’a rien compris et créé tout ce à partir de quoi il agit, qu’au premier de classe qui répète fidèlement et le fond et la forme de ce qu’on lui enseigne.

    Le message est le fruit de l’imagination créatrice du destinataire! Mac Luhan était prof de lettres… qu’on le laisse reposer en paix dans sa basilique! (Protestant de naissance il s’est converti au Catholicisme… où le sens est dans la sainte écriture!)

  2. Le fond est, bien entendu, ce qui importe. il n’empêche, si la forme ne correspond pas au fond, cela est difficilement compréhensible. une bonne transmission du message passe tant par le fond que par la forme.
    Comme disait Marshall McLuhan: « The media is the message ».

  3. Ah bon! Mais alors, comment fait le lecteur pour comprendre la pensée précise de l’auteur si le média est obscur? Et le style dans tout ça? Comme Rebecca je déplore les libertés intempestives prises par les correcteurs des PC, iPad et autres. Non, c’est au récepteur, lecteur ou auditeur d’ailleurs, qu’appartient le jugement sur la qualité du message émis par l’émetteur.

  4. Non! Je ne rigole pas du tout! Obsédé par le fond, même après plusieurs lectures et relectures la forme m’échappe… je relis ma pensée et non le texte!

  5. Fichu auto-correction!!
    D’où le danger de, comme moi, ne pas se relire.
    Cher Jim, me voilà mortifiée, contrite et cruellement vexée! Commettre une bourde pareille non pas une, mais deux fois! ouille! Ma vanité en prend un coup pendant que les lecteurs rigolent. Si, si; je les entends…

  6. Ayant négligé ma lecture du JDC ces derniers jours, je me rattrape ce matin en parcourant rapidement quelques articles manqués. OR, que vois-je! L’utilisation du mot HORS par deux fois en lieu et place de la conjonction OR. Connaissant l’auteur de cette bourde, j’ai tout lieu de m’étonner. Eut-elle disserté sur la culture de la tomate hors sol ou sur la création artistique française hors la musique, j’eusse approuvé l’utilisation du mot HORS. Je citerai donc un auteur bien français, Beaumarchais, « Vous commandez à tout hors à vous-même » (Le mariage de Figaro), mais aussi celle-ci du même Beaumarchais dans le même Mariage de Figaro: « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur ».

  7. Précision mathématique, rien à redire.
    N’est pas Proust qui veut !

  8. Techniquement, des phrases, tu en as plus d’une, là!
    On a coutume de dire qu’une phrase commence par une majuscule et finit par un point; hors, ce n’est pas tout à fait juste, puisqu’une phrase complexe est la réunion de deux phrases par le moyen d’une proposition subordonnée. De plus, une phrase contient au minimum un sujet et un verbe, voire plus d’éléments si le sens le nécessite.
    Mon frère court dans le jardin. + Je joue du piano dans le salon = mon frère court dans le jardin tandis que je joue du piano dans le salon.
    Tu as bien deux phrases, ici. Elles ont simplement été rassemblées.
    Hors, c’est de nombreuses fois le cas dans ton texte, ne fut-ce que par l’introduction d’une citation entre guillemets.

  9. C’est un texte issu d’un exercice d’atelier d’écriture dont le thème était de décrire en une seule phrase un état et le processus qui y a conduit.

  10. Ca fait froid dans le dos, cette narration des conséquences d’un accident.

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