Post it n°16 – Si par hasard, su’l Pont des Arts…

8 juin.
L’hiver est fini depuis deux jours. C’est le printemps, presque l’été. Un doux parfum d’ordures flotte au coin de la rue de Seine. La CGT bloque les trains et les poubelles. La bêtise au front de taureau. L’Etat recule pour mieux reculer. Et bientôt, ce sera le foot, le foot, le foot…

Sous la Passerelle des Arts, le fleuve fonce vers la mer. Sur le tablier de bois, entre les garde-corps retrouvés, on a installé quelques sculptures énervantes, acérées. Des personnages déchirés, perforés, encadrés de palmiers plats découpés dans de la tôle luisante. Il fait chaud et l’ombre que procurent les arbres métalliques est rare.

Malgré tout cela, les touristes et les passants font leur métier. Ils passent.

Au bout de la passerelle, du côté du quai du Louvre, le flot des piétons ralentit et contourne un attroupement. Ils sont une douzaine à faire cercle autour d’un homme accroupi devant un petit tapis noir. Sur le petit tapis noir, il y a trois fonds de boites d’allumettes et un gravier blanc. L’homme accroupi déplace rapidement les boites retournées sur le tapis. Il cache et montre et cache le petit caillou blanc sous un fond de boite, puis sous un autre, puis sous un autre. Il parle sans arrêt, mais on ne comprend pas ce qu’il dit. Par moment il s’arrête. Alors, l’un des membres du cercle avance et pose son pied sur l’une des boites. Il tend un billet à l’homme accroupi qui retourne la boite. Si le caillou apparaît, tout le monde est content et crie « bingo ! » et le billet doublé retourne chez l’homme debout. S’il n’y a rien sous la boite, tout le cercle pousse un Oh ! lamentable et le billet reste chez l’homme accroupi.

A part un couple à plan de Paris, perche à selfie et bouteille d’eau minérale, le cercle semble composé de membres d’une même famille. Des cousins, probablement. Ils ont entre trente et quarante ans. Ils sont de taille moyenne, plutôt costauds et coiffés très court. Ils crient « Bingo ! » avec le même accent balkanique. Ils portent tous autour de la taille cette élégante banane qui vous affine la silhouette, ou alors, en bandoulière, cette pochette en cuir qui sied si bien aux chefs de service. De cet accessoire, ils sortent des billets bien  défroissés qu’ils remettent à l’homme accroupi. Ils gagnent souvent, presque à tous les coups. imageAlors ils rangent les billets bien proprement, referment la pochette bien soigneusement. Puis ils vont admirer les statues quelques minutes pour revenir un peu plus tard, comme attirés irrésistiblement par le petit tapis noir.

Cela fait un moment que le couple à plan de Paris, perche à selfie et bouteille d’eau minérale danse d’un pied sur l’autre devant le jeu. Il le voit bien, lui, où se trouve le caillou. Il suffit de faire attention, de ne pas se laisser distraire, de suivre les mains du bonhomme. Après chaque coup, ils se concertent : « Ah, toi aussi tu avais deviné. Tu vois, si on avait joué, on aurait gagné, à chaque fois! » Il n’y tient plus, le couple. L’homme, car il sent bien que c’est à lui de le faire, pose un pied sur le tapis, tend un billet et désigne une boite.

« Ooooh ! » se lamente le cercle. Le caillou n’était pas là.

« Too bad ! » dit le croupier en balkanique. « One more time, best luck ! »

Mais le couple s’en va, vexé.

Deux jeunes chinoises l’ont déjà remplacé à la place laissée libre dans le cercle.

Bingo !

 

3 réflexions sur « Post it n°16 – Si par hasard, su’l Pont des Arts… »

  1. Bien sûr ! Mais ça ne les empêchera pas de se faire plumer.

  2. Bingo.Bien sûr les deux jeunes chinoises sont
    jolies.!!!

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