La Fontaine et le déménageur

Morceau choisi

Alexandre Vialatte, à propos du style en général et de celui de Jacques Chardonne en particulier :

(…) Simplifier, émonder, biffer. « Les écrivains se font grand tort en écrivant« . Que d’écrivains « restent enfouis au fond de leur œuvre » ! Que d’autres ressuscitent par des « morceaux choisis« . « Il y avait un « journal » émondé de Benjamin Constant ; excellent. Le journal intégral l’abîme beaucoup« . « Tocqueville intégral, c’est trop« . « Le texte intégral, c’est pour les thèses. » Tel est le bénéfice d’émonder. Boileau nous l’avait déjà dit : « Ajoutez quelques fois et souvent effacez. » Et Kipling expliquait que pour faire un roman il n’y a qu’un moyen véritable, prendre un pinceau épais, un pot d’encre de Chine, et biffer, supprimer, détruire. Pour une nouvelle, on prend le pinceau un peu moins large. Mais la méthode reste la même. C’est ce qu’on appelle l’économie de moyens. Elle fait loi dans tous les domaines : voyez faire La Fontaine ou un déménageur ; pas un mot superflu, pas un geste de trop. « La force, comme la distinction est dans l’économie des gestes. »

Qu’est-ce qu’on peut écrire après ça ?

Une réflexion sur « La Fontaine et le déménageur »

  1. ON peut écrire ce qui suit!

    Croyez-le ou non, je fais sincèrement mon possible (ne me sentant plus tout à fait Français, mon possible est limité) pour suivre ces judicieux conseils…

    Si je les suis à la lettre, mon lecteur me taxe de faire dans l’elliptique et m’enjoint d’aller me faire voir chez les Spartiates où l’on parle le lacédémonien dans lequel a été conçu la locale sandale à lassais démunie de tout inutile oripeau susceptible de provoquer le courroux de la blonde, Brigitte Bardot!

    N’étant point homme de lettres inscrit au cœur de la société homogène des bacheliers français mais communicologue formé dans quelques clubs académiques privés des États-Unis d’Amérique, j’ose avancé que dans l’empire napoléonien des esprits standardisés, il est recommandé d’être bref. Comme dans les commandos de paras, un ordre d’un cri monosyllabique suffit à ébranler ‘le troupeau de vaux’ (selon De Gaulle)!

    On dit que dans les vieux couples, on se comprend à mi-mot et parfois au moindre clin d’œil (ce qui était déjà le fait des couples improvisés au coin des rues). (Rassurez- vous, ce n’est pas le cas de ma très vieille union matrimoniale où ‘man-terruption’ et ‘wife-terruption’ sont garants d’incommunicabilité absolue!)

    L’exigence de brièveté de l’émetteur se manifeste par les interruptions du récepteur. Plus ma femme me coupe tôt plus je suis bref et évidemment, je réciproque! Il y a belle lurette que les clins d’yeux sont inefficaces et les mi-mots indéchiffrables! C’est marrant! Plus on se la coupe et plus les avatars de notre couple se reproduisent!

    Par contre, dans une société dont les leaders ont décidé de ne plus reproduire la société de papa et grand papa, les discours ou invectives des nouveaux leaders se doivent d’être longs, souvent très longs; histoire d’adapter la carte-écran-radar de l’auditoire aux propos révolutionnaires du narrateur. Je pense à ceux de Fidel Castro pendant et après le renversement de Batista.

    En d’autres termes, être bref (pas trop… il ne faut pas déconner en interrompant le coït) ça marche dans les sociétés qui ne cherchent qu’à se reproduire, où l’on aspire qu’à retrouver les beignets aux pommes et fleurs d’acacias de la Grand Mère… Par contre, si l’on veut aller voir ailleurs et partager les retombées positives de nos imaginations respectives et respectables pour leurs différences, les textes risquent d’être plus volumineux et les discours plus longs.

    Il est vrai qu’Einsnstein a couché sa géniale thèse sur trois bouts de papier (qu’il s’est abstenu de coller l’un sur l’autre pour faire plus joli!)

    Je souligne toutefois que cette thèse était rédigée en signes cabalistiques qui n’ont été déchiffrés qu’au bout de plusieurs générations… Il fallait que les cartes-écran-radars de ses collègues ou membres de son club privé s’adaptent…

    Les changements de paradigmes nécessitent le départ à la retraite ou le décès des porteurs du paradigme antérieur… Ça prend du temps et de longues tergiversations!

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