Cours de mythologie 1ère année-Leçon 9

La Création 
ou
Comment voulez-vous qu’on s’y retrouve ?

Remerciements :
L’auteur tient à remercier Wikipedia et Robert Graves (Les mythes grecs- (c) R.Graves 1958) qui ont grandement facilité les recherches indispensables à la rédaction de ce pensum. 

L’anarchie chronologique obstinément recommandée par le Ministère de l’Education Nationale présente quand même un avantage : celui de pouvoir raconter de fragments d’Histoire sans avoir à se préoccuper des connaissances acquises précédemment par les élèves. Il suffit de commencer son cours par « Il était une fois », comme on le ferait pour un conte de fées et le tour est joué. A-t-on jamais vu un enfant sortir son pouce de sa bouche pour demander quels étaient les antécédents de cette belle reine ou de ce pays merveilleux dont il va entendre l’histoire ? Eh bien, de la même manière que la masse assoupie d’une classe moyennement constituée, personne ne se réveillera pour demander comment Napoléon était parvenu au pouvoir.

Mais, parfois, dans l’esprit d’un élève particulièrement éveillé, ou d’un autre dont le smartphone est en panne, il arrive qu’il naisse une question. Quelle que soit la forme de cette question (« Mais, s’il vous plaît, maître, dites-nous donc d’où tout cela provient ? Que s’était-il donc passé avant ?  » ou bien : « OK, man, j’ calcule ! Mais d’où qu’y vient, l’mec ?« ), elle prouve l’intérêt de l’élève pour le sujet, récompense suprême du maître, et elle mérite qu’on lui apporte une réponse.

Donc, d’où qu’y viennent les mecs ? Et le monde, hein?  d’où qu’y vient, l’monde ?

Eh bien, voilà :

Pour ce qui est de la création du monde, les avis sont partagés. Ils se rapportent à plusieurs histoires possibles. Peu crédibles, mais possibles. On appelle ça des mythes. Les principaux sont : le mythe pélasge, le mythe homérique, l’orphique, l’olympique, et les mythes philosophiques.

Pour la plupart des mythes, avant  rien, il n’y avait rien. Ça a duré longtemps. Enfin, assez longtemps. Pas tout à fait toujours, mais presque.
Mais après, il n’y eut plus « rien ». Il y eut un truc, presque rien. C’était le début, quoi, le « Commencement », comme ils disent. Et puis ce presque rien est devenu quelque chose. Quelque chose d’indéfinissable, de pas structuré. On a appelé ça le Chaos.
Certains disent, et c’est le cas des tenants de l’un des mythes philosophiques,  que l’Obscurité a précédé le Chaos, et que c’est de l’Obscurité que serait né le Chaos. C’est une théorie plaisante, mais qu’aucune preuve matérielle ne vient supporter.
Tous les autres mythes, à l’exception du mythe homérique qui reste vague sur ce sujet, sont d’accord pour dire que c’est le Chaos qui a succédé à « rien ». C’est déjà quelque chose.

Donc, le Chaos était partout. Mais visiblement, ça n’a pas duré. Sans quoi, nous n’en serions pas là aujourd’hui. On pourrait même dire que nous ne serions pas là du tout.
Et c’est sur la suite que les mythes divergent, et de beaucoup.

Le mythe pélasge

Pour le mythe pélasge, c’est Eurynomé qui a émergé, toute nue, du Chaos. N’ayant nulle part où s’asseoir, la déesse s’est mise à danser. En dansant, elle a rencontré le vent du Nord. En frottant ce vent fripon entre ses divines mains, elle en a fait le serpent Ophion, avec qui elle n’a pas tardé à s’accoupler. Le produit de ses amours fut un œuf qu’elle pondit et qu’elle fit couver par Ophion. De l’œuf éclos est sorti tout ce qui existe, le soleil, les planètes, la terre, les montagnes, les animaux, et tout le toutim, sauf les hommes.

Eurynomé et Ophion allèrent vivre sur le Mont Olympe, mais le serpent commença à casser les pieds de la déesse avec ses vantardises éternelles et elle lui cassa la tête d’un coup de talon. Ensuite elle créa les Titans. L’homme n’apparut que beaucoup plus tard, en Arcadie (c’est dans le Péloponnèse). Il s’appelait Pelasgos. C’était un autochtone. A cette époque, autochtone n’était pas encore une insulte, ça voulait dire qu’il était né de la terre. (Quand je dis né de la terre, je veux dire fabriqué, créé à partir de terre. Pas croyable !)

Le mythe homérique

Pour le mythe homérique, c’est presque la même chose. Vous remplacez Eurynomé par Thétis et le serpent  Ophion par le fleuve Oceanos et le tour est joué. Facile, non ?

Le mythe orphique

Pour les Orphiques, point d’Eurynomé, d’Ophion ou d’Oceanos. Les tenants de ce mythe n’en démordent pas : c’est la Nuit qui, ayant convolé avec le Vent, a déposé un Œuf d’argent dans le sein de l’Obscurité. De cet Œuf naquit Eros, alias Phanès, alias Ericepaios, alias Protogenos Phaéthon.

C’est Eros qui mit en branle tout l’univers. (Selon une secte orphique intégriste, cet Eros n’est pas celui auquel vous pensez. Notre Eros est ici un être asexué. L’autre viendra plus tard.)

Le mythe olympien

Le mythe olympien est vraiment le plus chouette de tous, et c’est d’ailleurs le plus connu. Pour les Olympiens, celle qui est sortie du Chaos, c’est la Terre-Mère. (Certains pensent que le prénom de la dame était Gaïa.) L’histoire ne dit pas comment, mais la Terre-Mère mit au monde son fils Ouranos sans même s’en rendre compte : elle dormait. Ouranos s’installa sur une montagne pour regarder sa mère. Elle dormait toujours. Il trouva le spectacle si charmant qu’il fit tomber sur elle une douce pluie. L’eau ne tarda pas à remplir les creux et les fentes de son corps, ce qui donna naissance aux lacs et aux mers.

Ainsi fertilisée par son fils Ouranos, elle eut une série de rejetons, des Titans titanesques,  des Géants aux cent bras, des Cyclopes à l’œil unique et d’autres enfants terribles, dont Cronos, qui émasculera son père et mangera ses enfants, sauf le cadet, Zeus, qui le renversera et prendra son trône. Mais ceci est une autre belle histoire.

Le premier mythe philosophique

Il reste deux mythes, qualifiés de philosophiques. Le premier créé une filiation compliquée. Ça commence avec  l’Obscurité qui s’unit avec le Chaos, ce qui donne la Nuit, le Jour, l’Erèbe (ne cherchez pas, c’est l’Enfer) et l’Air. Ensuite tout le monde couche avec tout le monde, et ça donne un tas de petits : le Destin, la Vieillesse, la Mort, le Meurtre, la Continence, le Sommeil, les Rêves, la Discorde, la Souffrance, la Tyrannie, la Joie, l’Amitié, la Compassion, la Terreur, l’Habileté, la Colère, …(on n’en voit pas le bout), sans oublier Némésis, les Parques, le Tartare (ne cherchez pas, c’est une sorte de Purgatoire) et les Furies. Une vraie réussite ! Quant aux mortels, ils furent créés par Prométhée avec l’aide maladroite d’Epiméthée. (Mais ça, c’était l’objet de la leçon n° 5 : Le Pourquoi du Comment.)

Le deuxième mythe philosophique

Le deuxième mythe philosophique dit que le Dieu de Toutes Choses sortit brusquement du Chaos, créa la Terre, les Cieux, démêla les éléments et les mit en bon ordre, plaça les continents là où ils sont, créa les animaux terrestres et les mit là où il fallait, fit la même chose avec les poissons et que finalement il créa l’homme. Mais ça, c’est une histoire qu’on a déjà entendu quelque part.

Contrôle des connaissances

Rappel : les différents mythes présentés dans le cours sont : le mythe pélasge, le mythe homérique, l’orphique, l’olympique, et deux mythes philosophiques.

Exercice n°1 : placez ces mythes par ordre de vraisemblance

Exercice n°2 : placez-les par ordre de préférence

Exercice n°3 : présentez le deuxième mythe philosophique sous la forme d’un organigramme

Exercice n°4 : les autres aussi

2 réflexions sur « Cours de mythologie 1ère année-Leçon 9 »

  1. Lapsus, séduit par Trump, j’ai conclu l’avant-avant dernier paragraphe par « de façon aussi énergétique que possible » alors que je voulais dire, comme Hilary, « de façon aussi synergétique que possible! » Better Together!

    Sorry!

  2. Comme d’habitude, le style est agréable à lire, distrayant, ironique, gai, astucieux, etc.

    Donc, pour l’essentiel, Mission accomplie!

    Sur le plan philosophique ou sur le fond, je partage à 100% l’idée d’appeler « mythe » ou « comte » les histoires (ou « narrative » en anglais) que l’on se fait conter par les membres les plus significatifs de nos réseaux de coerséduction (qui structurent nos communautés d’appartenance et d’interprétation) durant notre enfance (tendre et dure). L’identification et le dénombrement de ces « narratives » fondatrices dépend évidemment de l’épistémée (M. Foucauld) dans laquelle nos parents nous ont mis au ‘monde’ et avons été dressés.

    La liste des mythes, ici établie, se rapporte à l’épistémée ou civilisation Greco-Judéo-Romano-Chrétienne. Il serait intéressant (ce n,est pas une critique mais un souhait!) d’en savoir plus sur les autres grandes civilisations qui se sont partagé et/ou occupent encore la planète. Civilisations autres avec lesquelles la globalisation nous oblige d’interagir!

    Il est vrai que dans tous les cas, il s’agit de mythes fondateurs… De ‘narratives’ qui, par souci de crédibilité de leurs concepteurs, commencent par: « Il était une fois » (vérité historique) ou par « en Vérité, je vous le dis… » (Vérité universelle comme prétend l’être la religion chrétienne) ou, chez les athées: « En réalité… » « Les choses étant ce qu’elles sont… » (De Gaulle a eu la sagesse d’ajouter: « Et ce que nous en savons.  » Donald Rumsfeld, désespéré, a précisé lors d’une interview sur un sujet qu’il ignorait (l’avenir de l’occupation américaine en Iraq): « il y a les choses que nous savons, celles que nous ignorons mais savons que nous ignorons et, hélas, celles que nous ignorons et ne savons pas que nous ignorons. » Socrate, à la fin de sa vie, pense qu’il l’a passée dans le troisième cas de figure et en a conclu, ciguë à la main, qu’il fallait y mettre un terme!)

    Personnellement, j’ai tendance à généraliser la notion de mythe, de comte ou de ‘narrative’ à toutes les histoires qu’on nous raconte. Qu’il s’agisse de la genèse de la terre et de l’Humanité, du cosmos, des religions, des légendes nationales, des programmes de partis politiques, des courants philosophiques, des idéologies, etc. Bref, tout ce que nous n’expérimentons pas personnellement. Tout ce qui peuple narrativement les néants d’avant et d’après notre apparition sur la terre. Comme tout ce qui est au delà de notre univers sensoriel. (Ce que nos sens ne peuvent appréhender tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de nous-mêmes). « Bacon is back! »

    Pour défendre les enfants qui ne sont pas assez curieux et qui se réfugient dans l’univers personnel que leur offre les nouvelles technologies d’intra communication ludique; je dirais qu’il n’est pas toujours bien venu de poser des questions qui fâchent!

    Je me suis, assez récemment, fait traiter de ‘négationniste » – par un ami que je ne nommerai pas – pour avoir laisser entendre que: comme la Terreur française (1793…) qui peut, en partie, s’expliquer (pas ‘justifier’ – j’ai lu Vals et Netanyahou -) par l’appel des aristocrates français malmenés aux mercenaires de leurs cousins, gestionnaires de pays voisins; les génocides léninistes et staliniens pouvaient aussi, en partie, s’expliquer (pas se justifier ni même être compris) par les stratégies d’encerclement (cordon sanitaire) qu’ont déployé les Occidentaux immédiatement après le traité de Versailles autour de la Russie révolutionnaire puis par l’invasion nazie, suivie après la défaite de l’Axe, par la guerre froide.

    Il est donc parfois malvenu de questionner les histoires qu’on se raconte!

    Pour palier tout cela et restreindre les histoires qui génèrent et amplifient les malheurs du monde, je suggère de reconnaître les limites de notre savoir. Ces limites nous rendent inaptes à la communication. Il faut alors tenter de s’entendre avec tous les autres sur la seule certitude: nous sommes là sur cette terre, de notre apparition à notre disparition. La seule contrainte est d’en tirer le meilleur parti possible. Vivre en paix, en harmonie avec les autres et exploiter nos ressources en collaborant avec les autres de façon aussi énergétique que possible.

    Déconstruisons le transcendant (histoires éternellement en quête de validation!) et contentons nous de ce que nous pouvons faire de mieux avec les autres vivants, ici et maintenant!

    Si vous me trouvez naïf… voyez les alternatives! Elle se précisent clairement à l’horizon!

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