6 réflexions sur « A quoi sert un intellectuel ? »

  1. Puisque Paddy soulève la légitime question des définitions…

    Pour moi, un intello est une personne qui lit énormément afin d’écrire un peu.

    C’est, d’ailleurs, Roland Barthes qui a écrit quelque part: « On ne lit bien que lorsque l’on a l’intention d’écrire! »

    À ce compte, Proust est donc un parfait exemple d’intello.

    Picasso ne l’est pas. C’est un artiste peintre et éventuellement, sculpteur.

    Guernica n’est pas dans le tableau du peintre. Ce tableau a toutes les significations que ses contemplateurs peuvent lui donner. Un ami de Picasso, intello de gauche, comme beaucoup de Catalans, a du lui suggérer ce nom pour l’identifier. Picasso l’a retenu, en bon Catalan de gauche!

    Pour moi donc, un intello est un consommateur et producteur d’écrits qui peuvent être lus et prononcés, voir chantés, à haute voix!

    Les commentateurs d’œuvres d’art sont des intellos à moins que leurs commentaires critiques ne soient constitués que de peintures et de sculptures sans recourir à la parole qui, dans certaines épistèmées (civilisation définie par sa construction mentale de l’univers), peut être ‘couchée’ par écrit!

    Pour moi, le Griot ou la Griotte wolof est un(e) intello qui se produit sous les arbres à palabres, (rien à voir avec les cerisiers, pourtant porteurs de griottes!)

    Sardou, Dutronc et Geinsbourg sont des intellos… ils chantent des textes et en écoutent aussi beaucoup! Les troubadours et les griots sans papiers ont dû les mémoriser!

    C’est la production ou la consommation du symbole écrit ou dit qui fait l’intello!

    C’est aussi ce qui distingue l’Homme inutile de l’animal utile lorsqu’il est récupéré dans nos assiettes ou pour débusquer les souris et le gibier ou encore pour nous supporter et tirer nos effets durant nos longs voyages!

    Bien sûr, je ne crois pas, comme d’autres que je ne citerai pas (ils sont très susceptibles!), que c’est parce que j’énonce par écrit une croyance, qu’elle sera immédiatement identifiée (comme identique à l’énoncé) et partagée par les lecteurs.

    Leurs cartes écrans radars, par définition (voir carte), sont fixes. Et les échos à potentiel falsificateur (Karl Poepper) renvoyés par la ‘réalité’ mobile externe (et ses ventriloques) ne les perturbent guère!

  2. Le lecteur ne peut vivre que dans son univers mental à lui. Il appréhende les discours, les histoires ou les réflexions des autres à partir de son univers mental, sa weltanschauung ou carte écran radar.

    Dans ma CER il y a l’espoir qu’un jour prochain, les technologies aidant, robotisation, automatisation, etc. le travail deviendra une activité qui occupera beaucoup moins de temps dans nos existence et, de par l’intensité qu’il aura alors, il exigera une grande et longue formation après avoir été choisi par le travailleur potentiel avec beaucoup de discernement. Ayant plus de temps libre, l’être humain pourra d’avantage développer ses capacités intellectuelles ainsi que sa santé et son apparence physique.
    Une tête bien faite sur un corps sain, disait-on dès le XVIe Siècle. Tout, encore une fois, est une question d’équilibre!

    Vu le temps que les Français consacrent au sport (à le pratiquer et surtout à le regarder à la télé) et le peu de temps qu’ils passent à lire (je ne dis pas quoi), leur dire que les intellectuels sont inutiles – même si l’histoire (qui n’est pas terminée) en fait passer certains pour des idiots (aux yeux d’autres qui ont pu faire l’éloge de monstres différents) – me semble avantager le surdéveloppement d’une qualité bien éphémère à moins qu’elle engendre une génération de lecteurs…

  3. Tout d’abord, que vient faire la beauté physique dans un commentaire sur l’utilité ou l’inutilité des intellectuels ? Pourquoi mettre en balance beauté et intellectualisme ?
    Ceci dit, je n’apprécie pas Barthes plus que ça, et loin de moi l’idée de dire que tous les intellectuels sont tout le temps inutiles. Je ne crois d’ailleurs pas que Barthes le pensait. Mais en tombant sur cet aphorisme, je l’avais trouvé plutôt amusant et bien rédigé. En effet, il attire l’attention en choquant par avance le lecteur en utilisant très précisément le mot « déchet », qui en général associé à un être humain est pris dans un sens figuré et peu flatteur. Mais ici, il l’utilise presque au sens propre pour pouvoir l’associer au mot « récupérable », le « déchet récupérable » étant l’expression du siècle. Puis il retourne aussitôt au sens figuré de récupérable. Quelle chose plus horrible pour un intellectuel de se sentir « récupéré »?
    L’expression « ne sert à rien» est bien choisie elle aussi. Dans l’ironie de Barthes, l’intellectuel sert à quelqu’un ou à quelque chose, c’est à dire qu’il est utile comme « l’idiot utile » (le communiste occidental ) était utile à l’URSS du bon vieux temps de Sartre et du Stalinisme, utile sans le savoir, sans le vouloir, utile mais idiot.
    Comme je l’ai dit plus haut, je ne connais pas bien Barthes, mais je crois savoir qu’il n’était pas très satisfait de sa propre condition de pur intellectuel (je dis pur car il n’a jamais produit une seule oeuvre artistique) et était par conséquent plutôt pessimiste. Sa réflexion sur l’inutilité de l’intellectuel , c’est a dire sur sa propre inutilité, est à la fois désespérante et intéressante, car, à mon avis, peu d’intellectuels ont cette clairvoyance qui leur permettrait de réaliser que, à tout moment, de leur vivant ou dans leur postérité, ils sont susceptibles d’être récupérés. Il suffit pour s’en convaincre de voir l’usage que d’autres font, que je fais parfois, de leurs déclarations, aphorismes, apophtegme, sentences et autres citations.

  4. C’est comme les blagues juives… Il vaut mieux être Juif pour que leur formulation soit acceptable!

    La sémiologie, surtout celle de Barthes est, me semble-t-il, une activité très intellectuelle! que, personnellement, je ne récupère que très partiellement.

    À quoi sert l’Homme, à part gâcher le paysage ?

    Utile à qui? et pour quoi faire?

    Pierre-Noël Giraud (sans doute un intellectuel) a publié chez Odile Jacob en Octobre 2015, L’homme inutile, Du bon usage de l’économie.

    J’ai cru comprendre que, par ce terme, pénible à vivre pour celui qui se l’attribue, Giraud évoquait les chômeurs et les laissés pour compte du Tiers et du Quart monde (banlieues du premier et second monde).

    Si nous réduisions le temps de travail et assurions un revenu minimum garanti pour tous les humains (comme le suggère John Rawls), les gens qui se considèrent inutiles pourraient combler leur oisiveté par des activités intellectuelles de réflexions sur le rôle éventuel qu’ils pourraient jouer et se former conceptuellement à la pratique de l’activité ainsi sagement sélectionnée.

    À chacun d’envisager sa façon de récupérer l’intellectualisme. À moins que l’on préfère passer sa vie à assurer la beauté et la longévité de son corps par le sport et la chirurgie esthétique!

    Les traces de la beauté du corps disparaissent (cannibalisées par les insectes ou dévorées par les flammes)… les traces de l’intellectualisme – si on les a inscrites sur des supports durables, comme le suggèrent les communicologues canadiens, Harold Innis et MacLuhan) peuvent stimuler la pensée des générations suivantes si, bien sûr, elles les prennent en compte et lui donnent une signification provocatrice!

    Évidemment, il y a là beaucoup de « si. » Certain(e)s préféreront, par la beauté de leur corps, attirer les partenaires sexuels… c’est toujours ça de pris… et surtout, à long terme, c’est très utile… ça fait des lecteurs d’intellos!

    PS. Rassurez-vous je vais bientôt avoir mon blog!

  5. Picasso est un artiste, pas un intellectuel, même s’il a peint Guernica et flirté avec le PC.

  6. Plutôt d’accord avec Roland Barthes. Mais surtout, il s’agit de bien définir ce qu’est un intellectuel dans son rôle et ne pas le confondre avec un ecrivain ou un artiste comme on a communément tendance à le faire. Proust est un écrivain, pas un intellectuel.

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