La lucarne

J’habite juste derrière Agios Nikolaos, sur une toute petite place. Il n’y a que deux arbres, un café et un kiosque à journaux. Vous verrez, ce n’est pas un très bel immeuble. Il doit dater des années cinquante, mais dans ce quartier, il fait plutôt cossu. Il n’a que quatre étages, mais moi, j’habite au cinquième. Non, non, je ne plaisante pas. Vous allez comprendre.

Quand vous serez devant mon immeuble… Non, il n’y a pas de numéro, mais vous ne pourrez pas vous tromper, c’est le plus haut de la place. Vous monterez d’abord les trois marches qui mènent au hall d’entrée. La porte est toujours ouverte. Vous traverserez le hall tout en marbre jaune et, vous verrez, au fond à droite, il y a une porte en fer, toute noire. Il faudra la pousser fort, parce que, attention, elle est lourde. Vous serez alors dans une petite cour, étroite et sombre et vous n’aurez devant vous que des poubelles et un escalier métallique en colimaçon. Désolé, mais quelquefois, ça ne sent pas très bon. Prenez l’escalier. Attention, il est plutôt étroit et très sale. Vous savez, en ce moment, c’est l’hiver, il fait froid et les chauffages au fuel marchent à plein régime pendant les heures autorisées. Ils démarrent tous en même temps, à 7 heures, et comme ils sont vieux et mal entretenus, ils dégagent une de ces suies noires ! Dès sept heures et demie, elle vient se déposer doucement sur toute la ville et sur mon escalier. Donc, montez avec précaution, sinon vous arriveriez toute sale. Surtout, n’apportez rien d’encombrant, pas de bouquet, pas de valise, pas même de cadeau. Arrivés en haut, ils ne seraient plus présentables.

Vous verrez, vers la fin, la montée sera moins pénible car, à chaque nouvel étage, on y voit un peu plus clair. Quand vous serez au quatrième, montez encore un peu, et vous arriverez chez moi.

Chez moi, on y entre par une grande terrasse. Ce n’est pas vraiment une terrasse. En fait, c’est le toit de l’immeuble. Et mon appartement, ce n’est pas vraiment un appartement, je veux dire, pas un appartement officiel. C’est un appartement illégal, abusif comme ils disent en Italie, un appartement construit au-dessus de l’immeuble, sans autorisation, sans existence.

Mais, attention, on y est quand même très bien. Le propriétaire, un anglais original qui passe l’hiver en Crète, y a mis tout le confort. Il y a un salon et une grande porte fenêtre qui donne sur la terrasse. On peut voir une bonne partie de la ville, jusqu’aux premières collines.

Dans un coin du salon, il y a une petite cuisine intégrée, en fait un évier, qui sert aussi de lavabo, un réchaud à gaz butane, un frigidaire et un placard. Dans l’autre coin, c’est ma salle de bain. Je l’aime bien, ma salle de bain. Il n’y a pas de porte, pas de cloison, pas de fenêtre. Du salon, on y accède en montant une marche. Et dans ma salle de bain, il y a juste une grande baignoire et une petite lucarne au-dessus des robinets.

Et puis enfin, il y a ma chambre, sans fenêtre, très sombre, avec un très grand lit.

Quand vous entrerez chez moi, vous poserez votre manteau sur le canapé du salon puis vous irez dans ma salle de bain. Vous vous déshabillerez et je vous ferai couler un bain. Et quand vous serez dans ma baignoire, vous vous allongerez confortablement dans l’eau chaude, la nuque bien posée sur une serviette roulée. Je vous apporterai un verre de résiné glacé et quand vous soulèverez la tête pour boire le vin, vous verrez, par la petite lucarne, un petit morceau du Parthénon.

Vous viendrez chez moi ? Dites, vous viendrez ?

2 réflexions sur « La lucarne »

  1. Invitation à faire un ‘ptit tour’ chez LE Grec!

    Où? On sait… maintenant!

    Quand? Voir les calendes! Hum!

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