Piéton, où est ta victoire? 3ème partie (Critique aisée 84)

 Mardi, 17 heures, le temps est gris mais plutôt doux.

Sur le quai du Louvre, la circulation automobile est prise en masse depuis environ une heure. quai-du-louvreLes clients des cafés, des marchands de graine et des bouquinistes s’asphyxient, tandis que les automobilistes, résignés, écoutent Laurent Ruquier et Pierre Bénichou échanger leurs propos scatologiques habituels.

Depuis un mois environ, la voie sur berge Georges Pompidou est définitivement fermée à la circulation et de l’état de purgatoire, le quai du Louvre et ses affluents sont passés à l’état d’enfer. Mais la Mairie de Paris nous a rassuré en nous resservant la vieille théorie de l’évaporation. Selon cette théorie, quand on rend plus difficile la circulation sur un axe routier, une partie du trafic ne manque pas de s’évaporer, c’est-à-dire de disparaître, réduisant d’autant les embarras de circulation. Comparer la circulation à une casserole d’eau qui bout, c’est une belle métaphore, mais qui ne parle qu’aux esprits simples. En effet, si on la file un tant soit peu, c’est à dire que l’on regarde ce qui se passe si on continue à chauffer l’eau de la casserole, on constate qu’elle continue inexorablement de s’évaporer jusqu’à disparition complète. On sait ce qui se passe si on continue à chauffer une casserole sans eau : en général, ce n’est pas beau à voir. Mais poursuivons la métaphore : selon les lois de la thermodynamique, et plus particulièrement en vertu du principe de Watt, l’eau évaporée viendra se condenser immanquablement sur les parties plus froides du réseau. Autrement dit, et c’est ce que l’on peut constater actuellement, une partie du trafic s’est déplacée (évaporation – condensation) sur le Boulevard Saint-Germain, qui en ce mardi vers 17 heures se prenait en masse à son tour. bd-st-germainLa prochaine étape, en cours de réalisation, consistera en un déplacement du trafic actuel du quai du Louvre et du Boulevard Saint-Germain sur le Boulevard Montparnasse, puis sur le Périphérique, puis sur la Francilienne.

Quand toute l’eau du réseau routier intra-muros se sera évaporée, on pourra enfin faire du vélo, de la trottinette et du beach-volley dans les rues, à moins que Paris ne soit mort avant, de soif, pour poursuivre la métaphore.voie-pompidou-1

Et pendant ce temps-là, les promeneurs gambadent voie-pompidou-2sur la voie Pompidou libérée.

J’en ai bien compté quatorze …

2 réflexions sur « Piéton, où est ta victoire? 3ème partie (Critique aisée 84) »

  1. Alors là, chapeau!

    Même si je suis un ‘esprit simple,’ – j’ai fait de grossières erreurs imputables à mon ignorance crasse en matière (ou plutôt gaz) de transferts de liquides partant de l’évaporation (à l’intérieur de ma demeure) pour finir en condensation (sur les boiseries en supportant la toiture) – je crois comprendre cette brillante explication de la façon dont l’obscure clarté n’émane plus de la ville des lumières!

    Devrais-je réviser la loi de la variété requise d’Ashby?

    Transposée de la cybernétique à la communication humaine, elle veut que l’intelligibilité d’une explication soit inévitablement réduite aux capacités (ou à l’incapacité – dans mon cas -) d’interprétation ou de compréhension de la personne qui prend en copte cette explication!

    Philippe aurait ici un point à son avantage (en matière d,explication du fonctionnement de la communication humaine)… si l’explication est écrite dans un bon style, tout le monde, – même un esprit simple – peut se l’approprier et l’inclure, au bon endroit, sur sa carte écran radar! Ce qui conforte le modèle pédagogique français classique!

    Dans mon cas, sur le principe de Watt, c’est ma seconde leçon.

    La première que Philippe m’a donnée généreusement répondait à un problème fort coûteux que je m’étais créé par ignorance du transfert invisible de l’eau à l’état gazeux par évaporation — qui vient se condenser sur les parties les plus froides de ma maison. J’avais bien pensé à l’isolation! Mais, hélas, il y a toujours quelque part un contact avec des parties froides, surtout quand il fait – 40 dehors et + 23 dedans!

    Comme quoi, à l’avenir (si elle en a un) la maire Hidalgo devrait mieux choisir ses métaphores. Sinon, elle devra se sublimer!

  2. Les piétons à Paris ne se promènent pas en permanence sur les voies sur berges comme semble le penser nos édiles de la Mairie. Emprunter les trottoirs des Bd Saint-Germain, Montparnasse, etc, et surtout ceux moins larges des rues adjacentes, est non seulement une expérience éprouvante mais dangereuse. Paris, à l’instar des pays du tiers-monde, voit se multiplier les « deux-roues » motorisées soucieuses d’efficacité égoïste et peu regardantes de la sécurité des piétons quand elles empruntent les trottoirs. Alors, l’envie m’est venue ce matin de relire la satyre de Nicolas Boileau « Les embarras de Paris » qui conclue qu’à Paris mieux vaut être riche et bien portant pour y vivre comme à la campagne.

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