Chtchoukine (Critique aisée 88)

  • Critique aisée 88

 Chtchoukine

 —Vu quelque chose d’intéressant ces temps-ci ?

—Fichtre oui ! La Collection Chtchoukine à la Fondation Louis Vuitton.

—Ah oui, bien sûr, tout le monde en parle. Mais est-ce vraiment épatant et, si oui, pourquoi, s’il vous plait ?

—Ecoutez, je ne suis un amateur d’art ni éclairé ni savant, et je ne me sens ni le goût ni la compétence pour vous expliquer pourquoi il ne faut pas manquer cette collection, qui, depuis qu’elle a quitté les salons de son propriétaire en 1917, n’avait jamais été à nouveau réunie et ne le sera peut-être jamais plus. Vous me demandez mon avis, je vous le donne. Maintenant, il faut que je vous laisse, j’ai un truc sur le feu.

­—Mais enfin, il parait que l’entrée à l’exposition coute 16 Euros. Mazette ! Et pour ce prix-là, peut-on vous demander combien d’œuvres il nous sera loisible d’admirer ?

—Cent cinquante-huit, m’a-t-on dit. Je ne les ai pas comptées bien sûr. Quand on admire, on ne compte pas. Mais si on tient à compter, cela fait le tableau à dix centimes. C’est donné. Bon, eh bien…

—Effectivement, ça reste très abordable. Enfin, cela dépend tout de même des œuvres. Quel genre de peinture et de peintres sont-ce là ?

Des impressionnistes, postimpressionnistes et modernes.

Pas le plus petit primitif ? Pas la moindre Renaissance italienne ? Pas d’ancien, pas de vieux, pas de contemporain ?

—Non, non. Rien que ce que je vous ai dit. En fait, à partir de 1898, Monsieur Chtchoukine, riche marchand moscovite, est venu régulièrement à Paris acheter tout ce qui pouvait se faire de précurseur en matière de peinture. Il s’est arrêté brusquement en 1917 pour s’enfuir en Allemagne puis en France où il est mort vingt ans plus tard. Les œuvres présentées datent donc de la fin du XIXème jusqu’à la Révolution d’Octobre. Vous avez l’heure, s’il vous plait ?

—Mais dites-moi, de qui sont ces œuvres ?

—Tenez, j’ai sur moi une photo. Elle vous en dira plus qu’une énumération fastidieuse :

—Ah oui, effectivement…

—Dépêchez-vous d’y aller, parce que ça ferme le 20 février. Bon, maintenant, il faut que je vous laisse : j’ai un article à finir. Au revoir, cher ami.

Au revoir, cher…Ah si ! Encore un instant : on m’a dit que Buren avait redécoré la Fondation et que c’était tout à fait épatant, ça aussi, non ?

­—Vous voyez cette photo ? En ce qui me concerne, je n’ai pas encore d’avis établi : j’hésite entre une papillote de bonbon acidulé ou un paquet cadeau de chez Tati. Mais vous vous ferez bien votre opinion sans moi, n’est-ce pas ? Bon, il faut vraiment que je parte, je vais rater mon métro.

—Eh bien, adieu cher ami. J’espère que nous aurons plus de temps pour bavarder la fois prochaine.

—C’est cela, oui…

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