temps de lecture : 4 minutes grand maximum
Critique aisée 94
L’hiver, des singes égarés…
Est-ce que je vous ai déjà dit que j’aime les incipit, vous savez, ces premiers mots que l’auteur a mis en ouverture de son roman? Ils sont importants, ces mots. Importants pour l’auteur, car souvent, c’est eux qu’il a réellement écrits en premier, ceux qui l’ont lancé dans l’aventure, ceux qui ont imprimé le style, le rythme qu’il va s’efforcer de suivre pendant des nuits et des jours pour écrire les dizaines et les dizaines de milliers de mots qu’il veut extraire de sa tête. Mais ils sont encore plus importants pour le lecteur. L’incipit est une porte et selon qu’elle sera verrouillée, et bardée de fer, ou peinte en bleu et enluminée, ou entrouverte et mystérieuse, le lecteur se sentira averti de ce qui l’attend s’il en franchit le seuil.
Bien sûr, le « Longtemps, je me suis couché de bonne heure » du petit Marcel ne peut à lui tout seul annoncer l’ampleur du plus grand roman du XXème siècle, mais au moins, le lecteur comprend qu’il se lance dans un roman de l’intime.
Il ne faut pas beaucoup d’imagination pour comprendre que le « Il était étendu à plat ventre sur les aiguilles de pin, le menton sur ses bras croisés et, très haut au-dessus de sa tête, le vent soufflait sur la cime des arbres » du grand Ernest va vous plonger dans l’aventure virile dans le milieu plutôt montagneux de « Pour qui sonne le glas«
Le « Marley était mort, pour commencer. » de Dickens ouvre son Conte de Noël de Dickens et on sent bien dans ces premiers mots, avec l’aide il est vrai des deux ou trois courtes phrases qui suivent, que Marley ne va pas rester mort très longtemps et qu’on va entrer dans le fantastique.
Le plus parlant reste sans doute celui de l’énorme Gustave, le fameux « C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar. » de Salammbô. Avec lui, le décor, l’époque, le souffle, le rythme sont plantés, vous êtes prévenus.
Mais ces incipit là, vous les connaissiez, ne serait-ce que pour avoir lu le JdC de temps en temps. Alors, laissez-moi vous donner aujourd’hui celui du roman le plus connu d’un auteur, Antoine Blondin, un peu moins monumental que les quatre précédents, mais que, moi, j’aime particulièrement, peut-être même plus que Jacques Perret :
« Une nuit sur deux, Quentin Albert descendait le Yang-tsé-kiang dans son lit-bateau : trois mille kilomètres jusqu’à l’estuaire, vingt-six jours de rivière quand on ne rencontrait pas les pirates, double ration d’alcool de riz si l’équipage indigène négligeait de se mutiner. Autant dire qu’il n’y avait pas de temps à perdre. »
Vous ne sentez rien, là ? Vous ne sentez pas cette moiteur, cette odeur de pourriture contre laquelle on lutte à l’alcool de riz ? A défaut de sable chaud, vous ne sentez pas le légionnaire, vous ne sentez pas l’homme qui en a vu, presque tout ? Si, bien sûr, vous le sentez ! Mais vous sentez aussi, dès cette première phrase, dans cette première phrase, l’homme qui se la raconte, qui se fait un passé à force de se raconter sa descente de fleuve dans son lit-bateau, à côté de sa femme épicière. La porte est entrouverte, entrez et venez gouter le génie délicat et pudique de Blondin, le chantre ivre de la nostalgie des actes manqués, l’écrivain de la fragilité, le romancier de l’inadaptation à son époque. Entrez, entrez derrière cet incipit, entrez dans « Un singe en hiver » et dites-m’en des nouvelles.
« Ainsi, en Chine, l’hiver, des singes égarés se réfugient dans les villes. Quand ils sont assez nombreux, on chauffe un train pour eux et on les renvoie vers leurs forêts natales. »
Joli, non ?
Pour ce qui est de nouvelles de l’auteur, Antoine Blondin, sachez qu’il est mort en 1991, et que, comme l’a écrit un de ses amis, le jour de son enterrement, même l’église était bourrée.
Un singe en hiver – Antoine Blondin – 1959
Effectivement… ces annonces d’apocalypse NOW n’ont rien avoir avec le singe en hiver de Blondin!
C’est une erreur de boite aux lettres due à l’inattention du facteur… Sorry!
Pour le reste, mon constat d’inaptitude de l’être humain à appréhender le ‘réel’ (que je m’applique par sophisme) n’est pas circonstanciel mais ‘ontologique’! (Whatever that means!)
Je n’avais pas l’intention de t’insulter en t’appelant MÔSSIEUR TOUT LE MONDE… je voulais jouer sur tes mots, te trouvant bien arrogant de faire du monde entier le complice de ta détestation (compréhensible) de M. Onfray! (à prendre avec les tenailles de l’Inquisition mais qui me semble à moi, humble sept milliardième de l’humanité, fort intéressant!)
Je pense être le seul homme (je me pose la question pour les femmes qui me semblent plus perspicaces sur ce sujet) à ne jamais utiliser la phrase préchi-précha de ‘la bonne parole’: « En vérité, je vous le dis! » dont les variantes contemporaines se retrouvent dans des formules du genre: « Les choses étant ce qu’elles sont! » du Général qui avait la sagesse d’ajouter, « et ce que nous en savons! » blablabla… Socrate ayant donné la réponse, il y a vingt cinq siècles: « nous ne savons rien! »
Tout journaliste, tout écrivain, tout politicien, bref tout ce qui scribouille sur papier ou sur écran, baffouille à la radio ou grimasse à la télé, après avoir longtemps fait parler les Dieux, (comme Tintin dans ‘l’Oreille cassée,’ au travers d’un tuyau d’arrosage) se réclame aujourd’hui du ‘réel,, du ‘concret,’ du ‘tragique,’ ‘constat’ ou ‘diagnostic’ opposé au ‘fantasme,’ à la ‘fable,’ à la ‘narration’ (THE NARRATIVE) ou ‘légende’ de ses adversaires!
Je n’ai pas encore trouvé quelqu’un, à part MOHA, (et peut être de nombreuses femmes qui ne s’expriment pas… je m’approprie ton ‘tout le monde à toi’ en le mettant au féminin!) qui soit convaincu que ses propos s’inscrivent, comme tous ceux des autres, dans des fables, légendes et autres histoires à dormir debout…
Non contents de faire valoir leurs ‘faits alternatifs’ ou ‘post vérités’ à coup de porte avions, de fusées balistiques et de bombardiers de la ‘Strategic Air Command (Dr. Strangelove), ils proclament faire la Réalité à laquelle tout être raisonnable doit se soumettre! (Houellebecq included)
La Fontaine, après AÉsope, avait bien compris que La Raison du Plus Fort est toujours la Meilleure!
Pourquoi invoquer ‘le réel’ avec grands effets de manches ou de toges quand on peut dire: « Ta gueule ou j’te bute! » (j’ai bien compris, Marx aidant, qu’après avoir buté et n’avoir plus les moyens de buter encore… par ruse, les vainqueurs ont inventé Dieu (Césaropapisme) puis, le coup de Dieu épuisé par vieillissement, le ‘bon sens,’ le ‘sens de l’Histoire’ ou ‘la raison’ ou ‘l’accès au réel’ dont on se prétend aussi le ventriloque, toujours pour obtenir la prolongation de la soumission!)
Les Bush l’ont fait (sous le conseil assidu des Méocons) et c’est l’Europe, la Turquie, la Jordanie, le Liban, etc. qui doivent accueillir les pots cassés! Trump, évidemment, lave les mains de l’Amérique, ‘Great Again!’
Excuses moi de passer de moha au monde entier…
La réalité existe… mais l’homme ne peut ni la décrire, ni la faire seul, ni même avec ses concitoyens et copains bien armés!
Tous les hommes, suivant toutes les femmes, pourraient, fort probablement la faire, mais il faudrait qu’ils s’unissent TOUS (libre consensus absolu et non majorité) autour d’un tel projet!
C’est ‘NOW’ qu’il faut le faire si l’on veut éviter l’Apocalypse imminente!
Je partage ce bel hommage à Antoine Blondin. C’était aussi un écrivain plein d’humilité et de sympathie à l’égard des autres de sa corporation, anciens ou contemporains. J’ai ressorti l’un de ses livres, moins connu, « Certificats d’Études », dans lequel il en évoque quelques uns. Il dit en couverture du livre: « J’aurais aimé découvrir quelque chose de nouveau qui les concerne et les éclaire. En vain. […]. Découvrir, ce n’est pas forcément inventer; connaître, c’est reconnaître. »
Bien! J’ai maintenant une lettre à terminer pour Monsieur le Maire de Beuzeville, dans laquelle je lui suggère de mettre sa ville en phase avec son passé historique et faire adopter le nom de Bosovillais, ou mieux de Bozovillais pour y mettre une touche de modernité, à ses habitants.
« …tous mes propos, écrits ou dits sont à prendre à n’importe quel degré mais jamais au niveau de la prétention à la description, c’est à dire jamais au premier degré!… »
Affirmation énigmatique mais confortable qui permet notamment, en prétendant après coup avoir parlé au degré (n+1), d’insulter son interlocuteur en toute tranquillité. Procédé assimilable aussi aux hypocrites guillemets que l’on met autour de ce que l’on dit par un geste symétrique de l’index et du majeur de chaque main afin d’en atténuer ou d’en annuler le sens. Assimilable également à l’ajout en fin de phrase d’un émoticone ou smiley, petit bonhomme jaune qui rigole innocemment. Assimilable enfin à l’élégant « Nan ! J’rigole » placé subtilement après que l’on ait prononcé une grossièreté.
Quand je dis que, de ce que pense Onfray, tout le monde se fout, je ne suis pas davantage affirmatif, plus péremptoire ou moins dans l’erreur que celui qui déclare être « le seul être humain à savoir que l’accès au réel nous est interdit » et que « aucun être humain n’a accès à Dieu, au réel ou au vrai« . Il m’arrive à moi aussi de parler au deuxième degré et c’est le cas quand je dis que tout le monde se fout d’Onfray.
Par contre, en ce qui me concerne, c’est vrai : je m’en fous.
Enfin, qu’ont à faire ces annonces apocalyptiques avec la légèreté de la prose de Blondin ?
Jim…
aucun être humain n’a accès à Dieu, au réel ou au vrai; c’est pour cela qu’il les a inventés!
et reproduits ou produits avant hier dans l’Ancien testament, hier dans les Évangiles, aujourd’hui dans wikipedia!
Bannon, l’éminence grise de Trump nous concocte d’autres vérités alternatives! pour demain…
Entre hier et aujourd’hui, le Manifeste du PC de K.M. et Mein Kampf!
Là dessus, le dernier petit d’Onfray est fort intéressant (à mes yeux, selon ma carte écran radar. bien sûr!) mais MOSSIEUR TOUT LE MONDE l’a mis à l’Index!
PS pour PC.
Étant le seul être humain à savoir que l’accès au réel nous est interdit (depuis qu’Ève s’est tapé « l’arbre de la connaissance » et qu’Adam a construit, hier, la bibliothèque du Congrés et, aujourd’hui, la banque de données de wikipédia…) tous mes propos, écrits ou dits sont à prendre à n’importe quel degré mais jamais au niveau de la prétention à la description, c’est à dire jamais au premier degré! (contrairement aux romanciers qui inventent le caractère de leur personnage (redondance en anglais) mais qui prétendent les insérer dans un contexte bien décrit comme vrai: la guerre civile à Paris dans les années 30, 2030, bien sûr!)
Très bel hommage à Antoine Blondin.J’ai beaucoup apprécié.