(…) Je veux vivre avec lui et je le lui ai dit.
Tout à l’heure, John et moi, nous allons rentrer à Washington et nous nous mettrons tout de suite à la recherche de ce studio. Je suis heureuse.
John ne voulait pas que je t’écrive, mais je l’ai fait quand même pendant qu’il était à la réception pour payer la chambre.
Ne m’en veux pas trop. Je ne t’ai jamais menti, je ne me suis jamais moquée de toi, je me suis juste trompée sur lui et sur moi.
P.
Pendant que je lisais, la femme de ménage a fini son travail et puis elle est sortie. Je reste seul dans la chambre et pour la première fois de notre séjour, je la contemple. Tout est redevenu propre et net. Tout est marron, diverses nuances de marron, mais tout est marron. Chocolat le plafond avec ses moulures encore plus foncées. Café au lait les lourdes tentures devant les fenêtres. Marron plus clair les murs parsemés de photographies encadrées — enfilade de la cinquième avenue sous la neige, embarras de fiacres sur Broadway, patineuses en chapeau d’astrakan et manchon en renard à Central Park. Marron sombre laqué les portes et marron rouge chamarré les tapis qui couvrent le sol. Marron aussi le chapiteau de l’immense armoire porté par deux colonnes doriques et sculpté en forme de scène de chasse, chien à l’arrêt devant un faisan à demi dissimulé par un buisson, les portes à miroir qui s’ouvraient d’elles-mêmes en grinçant quand on les déverrouillait, le lit, très large, très haut, qui craquait quand on s’asseyait dessus, avec sa tête en demi-lune et ses gros oreillers rêches cachés sous une cretonne maillée blanc cassé, le seul point clair de toute la pièce. Avec sa coiffeuse en marbre veiné et son grand miroir basculant entre les deux fenêtres, je découvre que notre chambre ressemble à celle de ma grand-mère, avenue Ledru-Rollin à Paris. Elle est d’une Continuer la lecture de Go West ! (118)

Il y a une dizaine d’années, trois années de suite, j’ai participé à des ateliers d’écriture. Ce fut plus intéressant sur le plan social que sur le plan littéraire. Dans un tel atelier, une séance se passe souvent de la manière suivante : après une introduction à un thème ou après la lecture de quelques lignes d’un auteur préférablement reconnu, l’intervenant propose aux participants d’écrire séance tenante et dans un temps limité un texte en relation avec le thème introduit ou les lignes qu’il avait choisies. De plus, la plupart du temps, l’intervenant impose de respecter certaines contraintes. Par exemple : réécrire les lignes lues en changeant de point de vue, ou de genre, ou sous forme de dialogue et toute cette sorte d’acrobaties qui finissent par former l’habile écrivain. La contrainte que j’ai rencontrée le plus fréquemment est celle de l’incipit, qui exige du participant qu’il commence son texte par une phrase imposée. Je ne crois pas que jamais personne en atelier n’ait imposé le plus fameux incipit de tous, à savoir « Longtemps, je me suis couché de bonne heure. » mais à part celui-là, tout est possible car la littérature en fournit à foison. C’est d’ailleurs très instructif et souvent amusant, tout en respectant la contrainte imposée, de prendre 