Les Nouvelles Aventures de William Shakespeare (2)

Il y a exactement 422 ans, le 24 Juillet 1595, William Shakespeare rencontrait Christopher Marlowe pour la première fois. Cette rencontre historique, soigneusement organisée par le hasard (car il tenait à bien faire les choses), se tint à l’auberge du Cygne et de la Couronne (1) sur la rive gauche de la Tamise dans les environs de Londres. Les deux hommes déjeunèrent d’un bouillon de poulet au gingembre, d’un rôti de dinde accompagné de ses salsifis et de sa sauce gravy et de vin d’Anjou (2). Au bout de trois heures de ripailles, William quitta la table précipitamment car il voulait arriver  à l’heure au Globe Theater où il tenait un rôle de hallebardier bègue dans une comédie lamentable et en latin de Sebastian Wescott.  C’est alors que Marlowe fit cette sortie restée dans toutes les mémoires :

—Eh oui ! Etre ou ne pas être en retard, voilà la question !

Plus tard, William affirma qu’il n’avait pas entendu la remarque de Marlowe, prétendant qu’il était déjà sorti de l’estaminet quand Christopher l’avait prononcée.

La réponse de Marlowe ne se fit pas attendre :

—Mon œil ! dit-il d’un air prémonitoire (3)(4).

Notes

1- En 1592, l’Auberge du Cygne et du Marteau était la propriété d’Arnie « Doubledeck » Guttentag, qui mourut subitement l’année suivante de la chute d’une souche de cheminée. Une exhumation récente de son corps, financée par la S.C.C.W.S.Q. (Société des Coupeurs de Cheveux de William Shakespeare en Quatre), a permis de découvrir qu’Arnie « Doubledeck », contrairement à ce que la S.F.H.A.W.S. (Société des Faiseurs d’Histoires autour de William Shakespeare) prétendait depuis près de quatre siècles, n’avait pas reçu la cheminée sur la tête, mais qu’elle était tombée si près de lui qu’il en avait fait un arrêt cardiaque, ce que laissait présager son embonpoint, déjà souligné par son surnom de Doubledeck. Malgré l’énorme intérêt de cette découverte, qui permit notamment de mettre un terme à la dispute séculaire qui régnait entre la S.F.H.A.W.S. et le Département de Médecine Cardiovasculaire de l’Université d’Oxford (D.M.C.U.O.), elle demeura totalement ignorée du grand public, et c’est tant mieux !  En 1598, l’auberge fut reprise par son neveu, Audrey « Baldie » Fitzgarlic. Il rebaptisa aussitôt l’établissement du nom d’ « Auberge du Cygne et de la Cheminée ». Les spécialistes considèrent aujourd’hui que c’est principalement ce changement de raison sociale qui entraina la faillite rapide de l’Auberge, ça et le fait qu’Audrey « Baldie » Fitzgarlic avait tendance à servir sa bière allongée d’eau et beaucoup trop froide. L’emplacement du Cygne et de la Couronne est aujourd’hui occupé par un magasin spécialisé dans la vente de livres et accessoires érotiques et dont l’enseigne proclame « Come and get it, you dirty you ! » Depuis trois ans, la S.I.C.P.A.S.U.A (Société Immobilière pour la Conservation du Patrimoine de l’Aigle de Stratford Upon Avon) est en négociation avec le propriétaire de « Come and get it, you dirty you ! » pour racheter l’ancienne Auberge du Cygne et du Marteau dont les murs résonnent encore des paroles prononcées par les deux géants de la littérature élisabéthaine.

2- Le menu complet de ce déjeuner et les quantités absorbées figurent dans l’opuscule de Sir Willoughby Crumblethorn (1853-1954) : « What Shakespeare really ate »

3- Tout le monde sait que Christopher Marlowe mourut moins d’un an plus tard d’un coup de couteau dans l’œil. Ah bon ? Vous ne le saviez pas ?

4- De l’éditeur à l’auteur : merci de préciser ce qu’est un air prémonitoire et comment on fait pour le prendre.

3 réflexions sur « Les Nouvelles Aventures de William Shakespeare (2) »

  1. René-Jean: Ce n’est pas du fake news, c’est une « vérité alternative » !
    Au passage, merci à Kelly Ann Conway, d’avoir trouvé cette formule, qui fait d’elle, comme vote nom l’indique, une « con » (en anglais) et de ceux qui la croiraient des « cons » (en français).

    Pour ce qui est de l’article, au moins c’est inventif!

  2. 1-Vous vous êtes certainement demandé comment m’était venue l’idée d’écrire un morceau de l’histoire méconnue de William Shakespeare. Eh bien voilà :
    C’était en 1987, en novembre si mes souvenirs sont bons. A cette époque, j’étais encore pilote de ligne sur la compagnie Air Limoges, car ce n’est que deux ans plus tard que, victime d’une cabale organisée par un syndicat de quatre-vingt-dix-sept passagers, je fus interdit de vol à la suite d’un banal looping suivi d’un double tonneau effectués au-dessus du village de Champignac où habitait mon beau-frère Gérard à qui je voulais dire bonjour.
    Donc, en novembre 1987, alors que je me rendais au terrain d’aviation pour faire chauffer les moteurs de mon vieux Roux-Combaluzier 53 en vue de la liaison Brive-la-Gaillarde — Rio de Janeiro que je devais accomplir dans la matinée, le pneu avant de ma bicyclette éclata dans un malencontreux nid-de-poule, de telle sorte que je dus accomplir à pied les derniers deux cent cinquante mètres. 
    C’est au cours de cette dure épreuve que je me mis à réfléchir et que je décidai de me lancer dès que possible dans un métier à la fois plus casanier et plus rémunérateur que celui de pilote de ligne, c’est-à-dire celui d’historien-chroniqueur. J’hésitai longtemps, une bonne trentaine d’années, sur le choix du héros dont je raconterais les exploits : Bossuet, Tintin et Charlie Brown étaient tentants, mais malheureusement déjà traités par la concurrence. Il ne me restait donc plus que William Shakespeare. Je m’attelai à cette immense tâche la semaine dernière et voilà le travail.  

    2-Un lecteur plus attentif que les autres a cru répérer dans le texte une incohérence apparente portant sur les noms successifs de l’auberge de la rencontre Marlowe vs Shakespeare. Et il m’a posé une question à ce sujet. Voici quelle a été ma réponse :

    « C’est une bonne question et je te remercie de me l’avoir posée. 
     La réponse est simple, mais confidentielle. Alors, merci de la garder pour toi. 
    Les faits sont les suivants : 
    1-Comme indiqué dans la note de bas de page n°1, en 1592, l’auberge d’Arnie Doubledeck Gutentag avait pour enseigne Le Cygne et le Marteau.
    2-Un an après la mort tragique d’Arnie, c’est-à-dire en 1593, l’Auberge fut débaptisée par son repreneur, Audrey Baldie Fitzgarlic, qui lui donna le nom de Cygne et de la Cheminée.
    3-Le 24 juillet 1595, c’est bien dans cette même auberge, celle de Doubledeck devenue celle de Baldie, que Shakespeare et Marlowe se rencontrèrent. Mais à cette date, elle portait le nom du Cygne et de la Couronne. 
    4-Pourtant, c’est bien les murs de l’ancienne Auberge du Cygne et du Marteau que la Société Immobilière pour la Conservation du Patrimoine de l’Aigle de Stratford Upon Avon tente aujourd’hui de racheter à grand frais.
    Cette apparente incohérence quant aux circonstances de la décisive rencontre entre les deux poètes qui donna naissance à l’incipit du plus célèbre monologue théâtrale de tous les temps a beaucoup perturbé Oxford, Cambridge et Petitbourg sur Tréloin pendant quelques siècles, jusqu’à ce que, le 17 janvier 1932, vers 23 heures, l’Honorable Gussie Fink-Nottle mette un point final à l’incertitude générale en déclarant, alors qu’il était grimpé sur un tabouret de style Chippendale au beau milieu du grand salon de son Club de Regent Street : « On en a rien à foutre du nom de cette foutue gargotte. George, servez-moi donc un autre de vos foutus cocktails magiques et qu’on passe enfin aux choses sérieuses !  »
    Depuis cette sentence définitive, le sujet du nom de l’auberge ne fut plus jamais abordé entre gentlemen. La question brulante qui les agite aujourd’hui est que l’on est plus tout à fait certain que ce soit réellement Shakespeare qui ait été ce jour-là le compagnon de beuverie de Marlowe. Certains prétendent qu’en fait c’était Victor Hugo, mais c’est très exagéré. » 

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